L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Temps Présent  

Le Mai 68 des historiens - Entre identités narratives et histoire orale
de Agnès Callu et Collectif
Presses universitaires du Septentrion - Histoire et civilisations 2010 /  25 €- 163.75  ffr. / 311 pages
ISBN : 978-2-7574-0151-4
FORMAT : 16cm x 24cm

Avec 1 CD audio

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007) ainsi que Monsieur Descartes (Flammarion, 2010).


Un Mai 68 à hauteur d’hommes

Dans la marée des publications-anniversaires de Mai 68, l’ouvrage collectif dirigé par Agnès Callu sur Le Mai 68 des historiens se distingue. Pas de discours commémoratif, nostalgique, hagiographique ou «à charge», mais une proposition historique établie sur pièces.

Le point de départ ? Un corpus d’une cinquantaine de mémoires orales, constitué dans l’emprise d’un séminaire de l’École nationale des Chartes, de 2004 à 2007, exploité au sein d’une équipe de recherche du CNRS, à l’Institut d’Histoire du Temps Présent de 2007 à 2008, rendu public et discuté lors d’un colloque au Collège de France en octobre 2008. Les témoins ? Des historiens nés entre 1923 et 1939, racontant «leur» Mai 68. Pas d’anecdotes dépourvues de contexte, mais un ensemble homogène, juxtaposition convaincante d’auto-récits mémoriels sur un événement (ou un non-événement). Chaque témoignage trouve son épaisseur autant que son sens dans «un amont» reconstituant les fondations intellectuelles, sociales et politiques, les vocations et/ou reproductions de chacun, et «un aval» qui explicite la gestion (ou l’évitement) des héritages. Le dossier d’archives est ainsi (re)constitué ; au lecteur d’en apprécier l’épaisseur. Repoussant les querelles aujourd’hui dépassées en faveur ou contre l’histoire orale, ce livre doit faire référence psycho-historique, car il fait du témoignage une balise et un jalon de l’histoire du temps présent, une histoire aux processus inachevés à comprendre à hauteur d’hommes.

Sa démarche ne recule pas devant les obstacles et, en l’espèce, il en est un, majeur, qui tient aux témoins : le choix d’un groupe social habitué, formé à la narration du passé, rend l’écriture de l’histoire de ces élites encore plus difficile. Or, amenés à raconter leur propre trajectoire autant qu’à analyser un présent au sein duquel, acteur ou témoin oculaire, ils furent insérés, ces témoins lâchent la bride, acceptant de raconter l’évolution d’un espace privé à l’aune d’une tempête publique, celle qui bouscule les rites socio-académiques, réinvente parfois les grilles de lectures et outils théoriques.

À Agnès Callu, on devait un exemplaire panorama des sources existantes (A. Callu et H. Lemoine, Guide du patrimoine sonore et audiovisuel français, 7 vol., Paris, Belin, 2005). Elle lui apporte aujourd’hui une application et un complément qui, tout comme Mai 68 en politique, fera date en matière d’histoire orale.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 22/02/2011 )
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