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Carnets intimes de la DST - 30 ans au coeur du contre espionnage français
de Eric Merlen et Frédéric Ploquin
Fayard 2004 /  23 €- 150.65  ffr. / 462 pages
ISBN : 2-213-61658-2
FORMAT : 16x23 cm

L'auteur du compte rendu : Sébastien Laurent, agrégé et docteur en histoire, est maître de conférences à l’Université Bordeaux III et à l’IEP de Paris. Il consacre ses recherches depuis plusieurs années aux services de renseignements militaires et policiers aux XIXe et XXe siècles. Il est le fondateur de la section "Histoire & sciences sociales" de Parutions.com.

Les mystères d’un grand policier

Les années 1920 ont vu l’apparition dans la littérature occidentale d’un genre littéraire nouveau : le témoignage d’espion. Différent en apparence du roman d’espionnage, il s’y rattache parfois tant la réalité est souvent romancée. Le livre des journalistes Eric Merlen et Frédéric Ploquin s’inscrit dans cette veine. Il repose tout entier, comme le titre ne l’indique pas, sur le témoignage de Raymond Nart, grand fonctionnaire de police de la Direction de la surveillance du territoire (DST). Arrivé rue Nélaton en 1965, ce personnage a été incontestablement l’un des meilleurs responsables du contre-espionnage français jusqu’en 1997, date de son départ à la retraite d’un service dont il était devenu le numéro 2.

Le livre aurait pu être absolument passionnant si la forme avait été différente. Dans le genre du témoignage la diversité est fréquente : ce peut être des mémoires ou des souvenirs - Pierre Marion et l’Amiral Pierre Lacoste, anciens directeurs de la DGSE et Yves Bonnet, ancien directeur de la DST ont choisi cette option -, ou encore un récit d’entretiens - Alexandre de Marenches, Marcel Chalet et Claude Silberzahn avaient fait ce choix. Ces différentes approches offrent au lecteur la possibilité, certes relative, de faire le départ du vrai et du faux. Raymond Nart, fidèle au choix opéré avant lui par l’un de ses grands anciens, Roger Wybot, fondateur et directeur de la DST de 1944 à 1959 (Philippe Bernert, Roger Wybot et la bataille pour la DST, Presses de la cité, 1975), ou encore par Constantin Melnik (Un espion dans le siècle, tome I : La Diagonale du double, Plon, 1994), a préféré laisser Eric Merlen et Frédéric Ploquin bâtir un ouvrage romancé, vraisemblablement sur la base d’interviews. Cette forme permet finalement de conserver le secret malgré les apparences de révélations.

Respectant les règles du roman d’espionnage, le livre fait malheureusement un usage très fréquent du style direct et des anonymes, et la dimension épique n’en est pas absente. L’on prend un certain plaisir à suivre R. Nart dans ses péripéties mondiales. L’on y voit sa reconversion, de la lutte contre les ingérences soviétiques à celles contre des menaces plus variées et moins facilement discernables. L’on apprend certaines choses nouvelles notamment l’étonnante tentative faite par la CIA de transformer Hervé Plagnol, ancien ministre dans le gouvernement Balladur, en informateur. L’on y croise – rapidement - un personnage central du renseignement français des vingt dernières années, exceptionnel connaisseur du monde arabe et islamique, le général Philippe Rondot. Mais l’essentiel n’est point dit et Raymond Nart conserve ses mystères.

Sébastien Laurent
( Mis en ligne le 30/04/2004 )
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