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La Pensée anti-68 - Essai sur une restauration intellectuelle
de Serge Audier
La Découverte - Poche 2009 /  13 €- 85.15  ffr. / 433 pages
ISBN : 978-2-7071-5873-4
FORMAT : 12,6cm x 19cm

Première publication en mars 2008 (La Découverte - Cahiers libres)

L'auteur du compte rendu : Enseignant et critique de nationalité belge, Frédéric Saenen est diplômé en philologie romane et agrégé de langue italienne. Il a publié plusieurs recueils de textes poétiques et participé à de nombreux ouvrages collectifs et revues littéraires. Il co-dirige avec Frédéric Dufoing une revue de réflexion politique, Jibrile, proche des courants anti-impérialistes, libertaires écologistes et post-développementistes.


Mais 68…

Dès après Mai 68, toute une floraison d’essais, voire de pamphlets, se sont attachés à dépeindre ou à dénoncer les conséquences néfastes de la contestation estudiantine. D’un bout à l’autre de l’éventail politique, le mois le plus agité de l’histoire de France fut envisagé comme une espèce de boîte de Pandore d’où auraient surgi nombres de maux qui accableraient, aujourd’hui encore, la société.

À la faveur de l’anniversaire des événements mais plus encore de la remise en question de leur sens et de leur portée au plus haut niveau de l’État, avec les déclarations fracassantes de Nicolas Sarkozi, Serge Audier revenait en 2008 (aujourd'hui en format poche), dans un essai très documenté, sur la littérature et la pensée anti-68. Et la radioscopie qu’il mène de ce vaste corpus, si légèrement tendancieuse soit-elle à certains moments, risque bien de marquer un très important jalon dans la réflexion sur le sujet.

Serge Audier n’y a négligé aucun maître-penseur ni aucun courant idéologique. Il convoque Raymond Aron bien sûr, considéré par beaucoup comme le père du discours anti-68, mais aussi Debray, Ferry, Bourdieu, Revel, Manent, Finkielkraut, ou encore des auteurs de moins en moins pratiqués comme Thomas Molnar, Daniel Guérin ou René Guénon. Il confronte tour à tour Mai 68 aux grilles de lecture libérale, écologiste, libertaire, conservatrice, humaniste, républicaine, etc. Le travail est considérable et montre à quel point la révolte de Mai a été tirée à hue et à dia quant à l’interprétation à donner de ses retentissements, à moyen ou long terme.

Car on a tour à tour imputé aux jeteurs de pavés d’avoir fait le lit de l’individualisme consumériste ou de l’américanisation de la société française, quand on ne les a pas tout bonnement traités d’enfants gâtés ou d’adversaires du Peuple. Afin de réajuster quelques clichés flous, Audier relit dans sa conclusion les slogans qui fleurissaient sur les murs de la Sorbonne et ailleurs. Il montre que, si en effet nombre de «fils à papa» participèrent aux batailles de rue, Mai 68 constitua pourtant un questionnement direct de la démocratie et fut porteur d’une authentique violence. Audier débouche surtout sur le constat qu’il est impossible de réduire les multiples voix contestant la contestation à un seul courant d’opinion, et que donc, à la diversité des tendances suivies au sein du mouvement ne pouvait répondre qu’une pensée anti-68 plurielle.

On fera donc fi des inévitables lourdeurs de l’ouvrage – notamment imputables à un louable souci de reformulation des argumentaires-types des anti-soixante-huitards – pour se plonger dans cette passionnante histoire intellectuelle. Elle permet de relire par la bande une époque pas si lointaine, qui irrigue encore indéniablement la nôtre…

Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 08/12/2009 )
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