L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

Le Service militaire
de Michel Marmin
Editions Chroniques 2008 /  19 €- 124.45  ffr. / 111 pages
ISBN : 978-2-205-06163-5
FORMAT : 20,5cm x 27,5cm

La quille, bordel !

Le 30 novembre 2001 marqua un tournant dans l’histoire de l’armée française. C’est en effet à cette date que prenait effet la loi 97-1019, qui suspendait la conscription des jeunes nés après 1979. En termes clairs, l’obligation du service militaire était abolie, cédant la place à l’idée d’une armée professionnelle, sur base d’engagements volontaires.

Institution héritée de la Révolution, le service fut, pendant près de deux siècles, une étape obligée dans la formation de tout citoyen masculin, et il se trouve encore aujourd’hui de nombreux nostalgiques de ce «passage à la vie d’homme». L’ouvrage que Michel Marmin consacre au sujet est de bout en bout teinté de ce sentiment et se parcourt comme un album de souvenirs dédiés à un moment, révolu mais toujours vivace, de la mémoire collective française.

L’angle d’approche n’a rien d’exalté en termes de défense des valeurs nationales, et est dépourvu d’accents bellicistes. C’est au niveau du bidasse plutôt qu’à celui des gradés et des stratèges que nous découvrons les rituels et les traditions menant le bleu au rang de soldat. Le lecteur, se laissant porter d’étape en étape, prendra connaissance d’une masse d’informations insoupçonnée. Du conseil de révision aux défilés cadencés, en passant par l’incorporation, la «boule à zéro» ou la distribution des uniformes, Marmin fait revivre la synchronie de la hiérarchie militaire et la diachronie du quotidien casernier. Il sonne toute la gamme du clairon, passe en revue les chambrées, partage le rata, les rations de caporal et le pinard, donne un coup de balai à la cour pourtant propre, attend fébrilement son courrier et sa perm’, participe aux grandes manœuvres et feuillette, avant de se coucher, un magazine des égrillardes Éditions Elvifrance…

Dans la foulée de son panorama sur la correspondance et la poste à travers les âges dont il nous avait régalé récemment, Marmin rempile avec une encyclopédie vivante et exhaustive. Un aspect particulièrement intéressant de son travail est l’attention qu’il accorde au lexique, spécialisé ou argotique, de la Grande Muette. Plus question donc, au sortir de ces pages, de confondre «la classe» et «les classes», d’ignorer ce que dissimulent les initiales BMC ou d’hésiter sur l’étymologie de «barda». Ce langage viril, d’usage aussi bien parmi les troupes que dans les aboiements des officiers, se voit restitué dans toute sa verdeur. Le plus cocasse, évidemment, survient quand il est mis en chanson. Marmin ayant, semble-t-il, suffisamment fréquenté les salles de gardes pour maîtriser ce corpus sans ambiguïté, il ne se prive guère d’en citer des extraits, entre deux notes du plus subtil bagad de Lann-Bihoué.

De Johnny Haliday à ces jeunes recrues anonymes et tondues de frais de la page 29, ils sont tous passés par-là. Les brimades du sous-bite et l’apprentissage du coup de bouc en ont-ils fait des hommes ? Le débat reste ouvert. Néanmoins, les documents rassemblés dans ce livre attestent que cette période de leur existence reste associée à des souvenirs drôles, émouvants. Ceux de la jeunesse et du bon temps, quoi. Rien qu’à ce titre, cela valait bien une chronique.

Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 21/10/2008 )
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