L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

L'Invention de la ville occidentale
de Vittorio Franchetti-Pardo
Rouergue 2008 /  42 €- 275.1  ffr. / 239 pages
ISBN : 978-2-84156-975-5
FORMAT : 24,5cm x 30,5cm

L’auteur du compte rendu : agrégée d’histoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié L’Histoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à l’historiographie (Flammarion, 2002).

La ville : une vieille invention européenne

Les très dynamiques éditions du Rouergue publient l’ouvrage du médiéviste italien Vittorio Franchetti Pardo. Un bel ouvrage de grand format, bien illustré de photographies et de plans, avec un beau travail éditorial de reproduction des documents. Vittorio Franchetti Pardo, ancien directeur du département d’histoire de l’architecture à l’université de Rome - la Sapienza, met son érudition au service d’une vulgarisation intelligente : comprendre comment se construit et s’invente la ville occidentale, autour du bassin méditerranéen, de l’Antiquité au XVe siècle. Il en analyse l’évolution sous l’angle de l’architecture, de l’urbs en somme ; les sociétés urbaines (civitas) ne sont qu’à peine mentionnées. On suit cependant avec plaisir et intérêt l’auteur dans un périple qui nous mène des premiers habitats urbains de Mésopotamie aux villes européennes de la fin du Moyen Age.

Si le mode de vie urbain s’impose en Occident, cela ne veut pas dire pour autant que ce soit sans réticences ou sans nostalgie d’un état antérieur qui aurait été non urbain et parfait… Nostalgie d’un paradis terrestre, jardin d’Eden auquel s’opposent le bruit et la fureur de la construction de Babel, tour-ville qui s’érige dans la confusion. Tout le Moyen Âge hésite entre deux lectures de la ville : celle d’un lieu de confusion, de conflits, d’imperfections humaines, celle au contraire qui en fait un espace idéal de civilisation.

Chaque chapitre s’attache à un moment particulier de l’histoire de la ville (le monde grec archaïque et classique, le monde hellénistique, Rome…), deux chapitres sont consacrés à des horizons non occidentaux à proprement parler : Constantinople et la ville byzantine dans l’Europe islamisée. A chaque page, photographies, plans, maquettes, dessins illustrent de façon claire et précise le propos del’auteur. 

On comprend les filiations qui s’établissent, mais aussi les différences profondes et la diversité des «villes» dans l’espace européen, même si l'on finit par utiliser le même mot. Vittorio Franchetti Pardo rappelle la perplexité de ces ambassadeurs vénitiens du XVIe siècle, qui découvrent en Allemagne des «villes» qui en Italie n’auraient eu qu’un statut de «terre». L’essor urbain ne s’est d’ailleurs pas construit de façon linéaire et l’Europe du haut Moyen Age se désurbanise avant de reconstruire progressivement, entre les XIe et XVe siècles, des agglomérations urbaines. A la fin du XVe siècle, en Italie, architectes et élites se prennent à rêver de villes idéales, marquées par la rationalité et le souci géométrique, architectures idéales que l’on retrouve dans une Europe marquée par de profonds changements politiques. A la fois urbs et civitas, la ville s’impose comme cadre de vie et conquiert toute l’Europe. L’auteur a à coeur de ne pas se cantonner au seul cas italien – ce qui est pourtant tentant compte tenu du rôle considérable dans l’histoire urbaine européenne des villes italiennes (qui sont malgré tout privilégiées !). Le cadre de la ville occidentale est posé :reste à y faire vivre les hommes…

Un «beau livre» qui doit intéresser un assez vaste public curieux des origines de la civilisation européenne.

Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 17/02/2009 )
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