L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

Histoire des ordres et congrégations religieuses en France - Du Moyen Age à nos jours
de Sophie Hasquenoph
Champ Vallon - Les Classiques 2009 /  39 €- 255.45  ffr. / 1334 pages
ISBN : 978-2-87673-495-1
FORMAT : 13cm x 21cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art, et, plus récemment, une biographie de Robert d'Arbrissel.

Des générations de consacrés

Le titre de l’ouvrage souligne l’ambition du propos : balayer un millénaire et demi d’histoire monastique, dans des limites délibérément fixées aux actuelles frontières de la France. Un récit qui couvre toutes les formes de la vie consacrée, masculine et féminine, de l’introduction en Gaule du monachisme celtique jusqu’aux contemporaines fraternités plongées dans le monde. Il s’agit d’une étude strictement chronologique, dans un ordonnancement classique : un Moyen Âge se terminant au XIIIe siècle, une Époque Moderne largement étirée (la plus longuement traitée), puis Contemporaine depuis la Révolution. L’auteure situe avec honnêteté son ouvrage dans la lignée des travaux de ses devanciers, dont elle tire son information, mais sans partager leur dessein, notamment quand ils étudient les familles monastiques prises isolément. Ici, c’est par strates temporelles que l’histoire est racontée. Au fil du millier de pages sur lesquelles court le récit historique proprement dit, les propos sont justifiés par les sources bibliographiques dont ils sont tirés. S. Hasquenoph n’entendait pas, en tout cas, écrire un manuel, mais dérouler un récit.

Ouvrage d’étude ou pas, son livre fait preuve d’un remarquable sens de la pédagogie et de volonté d’explicitation. Qui ne s’expriment pas seulement dans le pertinent lexique, ou dans l’imposante bibliographie dont on apprécie la présentation thématique, mais aussi dans la richesse de ce qu’on qualifiera improprement – tant elles font corps avec le propos – d'“annexes” : cartes et plans, schémas, tableaux, témoignages et précisions donnés en encadrés, illustrations, y compris les curiosités données in fine telles que l’apport des religieux à la cuisine, leur place dans les expressions linguistiques, au cinéma et en littérature, etc. Une monumentale introduction à usage de première partie cherche à définir les dénominateurs communs constituant «L’identité du religieux» dans l’Église et la société ; une réflexion qui aurait pu faire l’objet d’un ouvrage distinct et dont on peut disputer de l’opportunité en tête d’un livre qui se veut histoire chronologique.

L’un des caractères les plus originaux du livre est la façon dont il replace dans son contexte, disons même dans son vécu, l’histoire spirituelle, culturelle et juridique des hommes et des femmes consacrés à la vie régulière. Strates après strates, on voit arriver, parfois naître et disparaître, les grandes et les petites (qualificatifs se rapportant au nombre de leurs membres) familles monastiques. Là est la richesse du livre, mais aussi ses limites : mettre de l’ordre dans des moments choisis précisément pour leur foisonnement et la diversité des réponses apportées aux besoins, n’est pas chose aisée. Ainsi, à côté de chapitres offrant de solides synthèses, tel celui portant sur la Révolution Française où est souligné le côté positif des expériences engendrées par la persécution, ou encore avec l’histoire des épreuves vécues lors de la politique anti-congréganiste, on se perd un peu dans d’autres développements, tant il est malaisé d’ordonner par exemple la complexité des vocations érémitiques ou de définir la place du monachisme féminin médiéval. Vaste problème que celui de la femme dans la vie monastique, et l’ouvrage y revient nécessairement à plusieurs reprises.

Difficile aussi, si l'on ne sait pas trop dans quelle tranche chronologique la chercher (pas de problème pour les ordres militaires), d’avoir une vue d’ensemble de l’histoire d’une famille monastique. Certes, tel n’était pas le propos de l’auteure. Reste néanmoins que certaines fondations se délitent dans le grand tout. Un exemple : Fontevraud, dont le nom même apparaît bien après qu’il a été pertinemment traité de Robert d’Arbrissel, et qui fait l’objet d’un judicieux encadré sur l’éducation qu’y ont reçue les filles de Louis XV à une époque où l’ordre avait complètement tourné le dos aux intentions du fondateur. Les deux mentions sont logiquement situées dans des tranches chronologiques qui les éloignent l’une de l’autre. Et pourtant, il a bien été question, à d’autres moments, du caractère original des ordres doubles. Cet exemple illustre un regret : quel dommage que cette belle synthèse ne comporte pas d’index ! Bien sûr, chaque chapitre est solidement structuré en sections, sous-sections, paragraphes, etc., que la typographie distingue d’ailleurs de façon plus ou moins heureuse mais non repris dans la table des matières tant leur abondance aurait rendue inutilisable une telle liste. Reste que la possibilité d’utiliser thématiquement cette somme aurait été bien utile.

Mais ce serait sans doute faire un méchant procès à cette Histoire que d’en rechercher les manques, forcément inévitables dans une synthèse aussi érudite qu’originale. Mieux vaut en souligner la précision, la richesse, et le caractère encyclopédique de l’information.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 20/10/2009 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)