L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

Histoire de l’heure en France
de Jacques Gapaillard
Vuibert 2011 /  32 €- 209.6  ffr. / 314 pages
ISBN : 978-2-311-00353-6
FORMAT : 17cm x 24cm

Jean Kovalevsky (Préfacier)

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Économiques et Sociales en région parisienne. Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.


Petites et grandes manipulations du temps

«Ni le calendrier ni l’heure ne sont le temps, mais établissent seulement des repères dans le temps. Or, à des degrés divers, c’est toujours le même malaise qui a été provoqué successivement par la réforme grégorienne du calendrier et celle du commencement de l’année, puis par l’abandon du temps vrai pour le temps moyen, plus tard par l’adoption d’une heure nationale, puis par le passage de l’heure de Paris à celle de Greenwich, et enfin par l’institution d’une heure d’été. Pour qui confond le repérage du temps avec le temps lui-même, il doit sembler que l’homme falsifie la nature en se livrant à une manipulation du temps par une atteinte portée à son inhérente continuité» (p.217).

Les hommes n’ont eu de cesse de se donner des repères, d’organiser le temps pour qu’il indique le plus surement possible les principaux cycles astraux, les réguliers retours des saisons, ou, plus simplement, l’alternance du jour et de la nuit. Jacques Gapaillard nous propose une histoire de l’heure en France depuis le Moyen-Age. Non pas une histoire philosophique, qui aborderait les diverses conceptions du temps, mais une histoire des petites et grands arrangements nécessaires à l’élaboration des calendriers et des horloges.

Des «arrangements nécessaires» donc, puisque l’observation même minutieuse de la nature, en l’occurrence de la rotation terrestre, ne suffit pas à résoudre les problèmes posés par les décomptes des heures dans une journée. «[…] le jour solaire vrai, intervalle séparant deux passages consécutifs du (centre du) Soleil au méridien d’un même lieu, est de durée variable au long de l’année». Dès lors, le temps solaire vrai est «entaché d’un défaut d’uniformité qui a conduit à lui substituer un temps solaire moyen, lequel coïncide avec l’angle horaire d’un soleil moyen purement fictif». C’est là ce que les spécialistes appellent l’équation du temps, c’est-à-dire le décalage entre les indications du soleil et celles des horloges (même si, précise l’auteur, ce n’est pas le développement de l’horlogerie qui est à l’origine de l’équation du temps). L’auteur retrace avec minutie et une grande érudition l’histoire de l’heure et non du temps, c’est-à-dire des outils de mesure et des conceptions du rythme d’une journée.

Le perfectionnement des horloges n’apparaît que comme une partie du problème : la question centrale étant de savoir quelle heure devait être choisie comme référence. Si chaque ville pouvait déterminer son heure, la nécessité d’une heure unifiée sur tout le territoire devint évidente notamment au regard du développement des modes de communication et de transport. Ce sont d’ailleurs les compagnies de chemins de fer qui, dès le milieu du XIXe siècle, vont, les premières, adopter l’heure de Paris pour l’ensemble de leurs réseaux. Progressivement, l’idée d’une heure nationale deviendra de plus en plus inévitable, comme inévitables seront les discussions philosophico-politiques, morales ou esthétiques qui accompagneront ces débats. Débats largement et heureusement repris dans cet ouvrage, qui débouchent sur la loi du 14 mars 1891 qui définit l’heure légale : «L’heure légale, en France et en Algérie, est l’heure du temps moyen de Paris». Et c’est en 1911, que la France corrigera son heure (de 9 minutes et 21 secondes) pour s’aligner sur l’heure de Greenwich. Mais les ajustements ne sont pas terminés pour autant puisque c’est en 1916 que l’heure d’été sera introduite, abandonnée entre 1945 et 1975, et reprise en 1976.

Tout l’intérêt de cet ouvrage érudit est de présenter à la fois les développements scientifiques qui ont éclairé ces discussions mais aussi les évolutions politiques et sociales qui ont rendu nécessaires ces ajustements successifs.

Guy Dreux
( Mis en ligne le 07/02/2012 )
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