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Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

Dictionnaire Perrin des guerres et des batailles de l'histoire de France
de Jacques Garnier et Collectif
Perrin 2004 /  38 €- 248.9  ffr. / 906 pages
ISBN : 2-262-00829-9
FORMAT : 17x25 cm

L’auteur du compte rendu : Agrégé d’histoire et titulaire d’un DESS d’études stratégiques, Antoine Picardat a été chargé de cours à l’Institut catholique de Paris et analyste de politique internationale au Ministère de la Défense. Il est actuellement ATER à l’IEP de Lille.

Le grand retour de l’histoire bataille ?

Avec 906 pages, traitant 500 batailles et 100 guerres, illustrées par 75 cartes, voilà un dictionnaire qui confirme une idée reçue : on s’est beaucoup battu dans l’histoire de France. Une équipe de 26 spécialistes, dirigés par Jacques Garnier, membre de la Commission française d’histoire militaire, a rédigé cette somme, fort intéressante, tant par son contenu que par sa signification historiographique.

Antiquité, Moyen Age, guerres civiles, guerres de la monarchie, Révolution et Empire, guerres coloniales, guerres mondiales : d’Abbeville (1940) à Zurich (1799), des invasions celtes en Italie (390 av. J.C., Brennus et les oies du Capitole) au Kosovo (1999), les articles dressent un inventaire extrêmement complet et détaillé des guerres et des batailles de notre histoire. La guerre navale n’est pas oubliée, grâce à Étienne Taillemite, historien de la marine, qui retrace une histoire où le courage des hommes ne fut souvent pas suffisant pour éviter la défaite.

Chaque article est précédé d’un petit rappel des éléments importants du contexte politico-stratégique. Les principales batailles sont traitées en profondeur : par exemple cinq pages pour Austerlitz, Azincourt ou la conquête de l’Algérie. Les amateurs d’histoire militaire, parmi lesquels on compte bon nombre d’érudits soucieux du moindre détail, ont donc de quoi se régaler. Les plus exigeants peuvent même se livrer à la traditionnelle chasse aux erreurs ou aux différences d’appréciations sur la valeur de tel chef ou la qualité de telle manœuvre. À titre d’exemple, dans l’article sur la bataille du Grand-Couronné de Nancy en septembre 1914 (page 379), le 20e corps d’armée est par erreur indiqué comme commandé par Foch. Or, celui-ci l’avait quitté depuis quelques jours et était alors à la tête de la 9e armée, qui prenait part, dans les marais de Saint-Gond, à la bataille de la Marne. C’est d’ailleurs confirmé par l’article bataille de la Marne (pages 548-553).

Mais ce dictionnaire est aussi une boîte à double fond. Sous son contenu savant, on trouve une démarche historiographique qui entend proclamer le grand retour de l’histoire bataille. C’est à ce thème que Jean Tulard consacre sa rapide préface. L’histoire bataille n’avait d’ailleurs jamais disparu, mais elle était marginalisée, reléguée pendant des décennies dans l’ombre de l’étude des courbes de prix du blé, des clochers de mortalité et des forces profondes ; réservée à de vieux érudits ou, au contraire, à une vulgarisation sans réel intérêt. Elle a donc de nouveau droit de cité.

En fait, ce retour s’est effectué avec la remise à l’honneur de l’histoire politique, amorcée dans le deuxième partie des années 80. C’est en partie la conséquence de l’éclatement de la recherche et de la production historiques en France. Le déclin de l’école des Annales, que personne n’a remplacée, malgré la tentative de la Nouvelle histoire, a laissé une discipline morcelée en de nombreux champs de réflexion, de recherche et de production. L’histoire militaire réapparaît donc à la faveur d’un reflux généralisé, qui la redécouvre, à peu près intacte, là où elle avait été engloutie il y a si longtemps.

Une introduction, expliquant la raison de certains choix tout en précisant la démarche d’ensemble, aurait d’ailleurs été la bienvenue. Car s’il faut bien faire des choix, il y en a de curieux. Ainsi, pourquoi inclure les invasions celtes en Italie au début du IVe siècle av. J.C. dans l’histoire de France ? Parce que Brennus était Gaulois ? C’est franchement léger, sauf pour qui croit encore à «Nos ancêtres les Gaulois etc.». Même chose pour Hastings. Voilà bien une bataille qui appartient à l’histoire de l’Angleterre. Que des «Français» s’y soient battus n’est pas un élément suffisant pour l’annexer. Certains termes ont également un écho curieux. Parler par exemple des «Grandes invasions» fait franchement démodé.

Bref, il y a un parfum de vieille France, d’histoire à la mode de la IIIe République, qui plane sur ce dictionnaire. Le contenu est moderne, la langue est sobre et l’information précise, mais on n’est pas très loin d’une sorte de France éternelle, ayant ses racines dans l’Antiquité et qui a toujours existé, avançant masquée sous Vercingétorix, Clovis, Charlemagne et les autres.

Antoine Picardat
( Mis en ligne le 21/12/2004 )
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