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Histoire & Sciences socialeset Histoire Générale  

La Guerre - Essais historiques
de André Corvisier et Hervé Coutau-Bégarie
Perrin - Collection Pour l’Histoire 2005 /  23 €- 150.65  ffr. / 430 pages
ISBN : 2-262-02333-6
FORMAT : 14x22 cm

L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.

La guerre, objet d’histoire

Pour ouvrir ce livre d’André Corvisier, les préfaciers auraient pu détourner Rabelais et remplacer le rire par la guerre comme propre de l’Homme. Si Pierre Chaunu ne l’a pas fait en 1995 dans la première édition qu’il lui incombait de préfacer, Hervé Coutau-Bégarie en émet l’idée aujourd’hui mais sans en utiliser les mots : «La guerre est un phénomène universel» marque en effet le début de la préface de cette deuxième édition. Dans la logique de l’histoire globale héritée de la Nouvelle Histoire et empreinte de structuralisme, l’activité symbole d’une histoire-bataille naguère décriée constitue un objet d’histoire aussi important que tous les autres, si ce n’est plus par sa gravité, et André Corvisier en est l’un des pères.

Hervé Coutau-Bégarie, professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, annonce donc l’ouvrage comme le fruit d’une vie de recherches et comme une synthèse des écoles historiques modernes. Il importe donc de comprendre qu’il ne s’agit pas ici d’un recueil d’articles traitant de divers conflits réunis en hommage à leur auteur, ni même d’une tentative d’histoire générale de la guerre, pour laquelle on aura soin de se reporter à John Keegan et son Histoire de la guerre (Dagorno, 1996).

Il s’agit d’envisager le phénomène sous les différents angles qui le constituent pour le comprendre et, dans une moindre mesure, le théoriser, d’où l’intitulé Essais historiques. Ayant introduit le sujet par un parcours des différentes définitions de la guerre par les grands dictionnaires pour mieux en souligner la complexité, André Corvisier débute ses essais d’abord par une approche anthropologique établissant la guerre comme une violence sociétale, donc très théoriquement contrôlée et voulue quoique aussi subie. Ainsi établie, la guerre connaît l’inévitable besoin d’efficacité de l’Homme et devient un savoir-faire, une science et même, paraît-il, un art, dont les champs d’application couvrent l’étendue des activités humaines.

Traitant des moyens de la guerre, le chapitre 3, «Milieu, moyens et potentialités», commence aussi à s’intéresser à la question de l’impact sur les populations, mais c’est «Guerre et société» (chapitre 5) qui en une quarantaine de pages examine l’interrelation entre les deux phénomènes structurels. Entre ces chapitres s’insère un essai inévitablement plus long sur les rapports entre la guerre et l’Etat, prélude à une approche de la guerre comme prolongement du politique, dans la lignée de Clausewitz, qui conclut le livre.

Jusqu’à ce point, les sept essais ne présentent aucune différence, à la virgule comme à la page près, entre l’édition de 1995 des Presses Universitaires de France et celle de 2005 des éditions Perrin. C’est donc le travail fourni par Hervé Coutau-Bégarie qui confère à ce livre sa spécificité. Il n’en est pas seulement le préfacier, il en est aussi le coauteur. Spécialiste de stratégie contemporaine, notamment maritime, il complète l’étude par un huitième essai consacré à la guerre au XXIe siècle. Outre ces addenda, les auteurs ont conjointement réalisé un complément à l’orientation bibliographique déjà présente en 1995.

L’ouvrage devient donc un point de départ précieux à la réflexion du lecteur. Celle-ci pourra se nourrir à l’analyse parfois très théorique, comme dans le premier chapitre, mais le plus souvent appuyée sur des exemples historiques, sources de comparaison qui permettent d’échapper à la segmentation chronologique de l’Histoire. S’il fallait formuler une critique pour répondre facilement au besoin de l’exercice, ce serait le regret de ne pas y retrouver la préface personnelle écrite par Pierre Chaunu en son temps, assez anthropologique et religieuse dans son propos, qui aurait ainsi complété celle de M. Coutau-Bégarie, plus historiographique.

Hugues Marsat
( Mis en ligne le 03/08/2005 )
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