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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Le duc de Buckingham
de Michel Duchein
Fayard - Biographies 2001 /  24.43 €- 160.02  ffr. / 468 pages
ISBN : 2-213-60895-4

Splendeurs et misères d’un courtisan

Conspué par près de trois siècles d’une historiographie libérale tant française qu’anglaise qui en dressait, pour les plus excessifs de ses biographes, le portrait peu flatteur d’un parvenu avide d’honneur et dénué de tout sens politique, George Villiers, duc de Buckingham, (1592-1628) ne doit sa bonne image auprès du public qu’à la plume d’Alexandre Dumas qui en fit un des héros tragique des Trois mousquetaires. Portrait tout aussi faussé que tente de corriger ce livre dû à Michel Duchein, inspecteur général des archives de France et spécialiste de l’Angleterre élisabethaine et Stuart à laquelle il a déjà consacré plusieurs biographies dont deux dans la présente collection. Derrière ces réputations politiques ou romanesques, qui fut réellement ce favori des rois Stuart Jacques et Charles Ier dont la destinée ne se confond avec celle de l’Angleterre que pendant guère plus d’une dizaine d’années, et qui fut confronté à ses pairs ministres français et espagnol, le cardinal-duc de Richelieu et le Comte-duc d’Olivarès ?

Poignardé à 36 ans en 1628 par un officier de la marine royale mécontent, la vie de Buckingham fut aussi rapide que sa mort brutale : entre sa première rencontre avec le roi Jacques Ier Stuart en 1614 et son décès, 14 ans seulement se sont écoulés au cours desquels il gravit les honneurs à une allure foudroyante avant de se gagner la haine de l’opinion publique et du Parlement qui, en 1626, l’accuse entre autre de népotisme, vénalité et d’avoir précipité le décès de son bienfaiteur.

De cette splendeur, la « titulature » de George Villiers (p.332) en rend bien compte : issu d’une famille nombreuse de la petite noblesse campagnarde, c’est à sa beauté, bien illustrée par le portrait de Rubens mis en couverture, que le jeune Villiers doit d’être remarqué par le roi Jacques qui éprouve un sérieux penchant pour les beaux jeunes hommes. Cinq années plus tard, George Villiers est Master of the Horse (Grand Ecuyer), marquis de Buckingham et Grand Amiral d’Angleterre, la faveur sensuelle royale s’est muée en un sentiment filiale d’un roi vieillissant pour celui qu’il nomme familièrement « son Steenie », surnom affectif que Charles Ier utilise aussi. En effet, chose rare, George Villiers présente la particularité d’avoir été le favori de deux rois, sans pour autant entretenir les mêmes rapports.

De cette misère, Michel Duchein en met en évidence les raisons politiques. Si George Villiers apparaît comme un homme honnête – il n’hésite pas à affréter des navires de sa poche -, courageux – il débarque sur l’île de Ré à la tête de ses troupes - juste et généreux, avec ses amis comme avec ses ennemis, il semble aussi tête folle et peu constant dans ses intentions. Or, à compter du voyage d’Espagne (1624) avec l’héritier de la couronne et face à un roi Jacques malade, ce sont ses idées qui influencent la politique anglaise avec pour résultat les piètres expéditions navales sur Cadix et La Rochelle.

C’est donc un portrait en demi-teinte, ni blanc, ni noir, que dresse Michel Duchein à partir d’archives diplomatiques tant anglaises et françaises qu’espagnoles et italiennes ou publiées ultérieurement. N’ayant pas une volonté d’exhaustivité et dans la perspective de comparer le ministre des rois Stuart avec Richelieu ou Olivarès, l’auteur consacre l’essentiel de son livre à l’œuvre politique de Buckingham, négligeant plusieurs aspects de la vie du favori. Ainsi sa jeunesse est-elle rapidement évoquée sans aucun doute par manque de sources. Plus regrettables demeurent les manques concernant sa vie en tant que noble et courtisan grand amateur d’art. En effet, et Michel Duchein le souligne lui-même, George Villiers, duc de Buckingham, est avant tout un courtisan. Accentuer cette perspective n’eut-il pas permis de remettre pleinement le sujet dans son cadre et de fournir un élément de comparaison avec les favoris français, sujet historique que le récent livre de Nicolas Le Roux, La faveur du roi. Mignons et courtisans au temps des derniers Valois (Champ Vallon, 2001) a mis sur le devant de la scène. S’il est un de ses contemporains avec lequel George Villiers eut pu être comparé, n’était-ce point avec Charles d’Albert de Luynes, favori de Louis XIII, plutôt que Richelieu ?

Reste que Le duc de Buckingham est un livre éclairant sur les méandres de la diplomatie de l’époque et aussi palpitant que la vie de son sujet. Doté de l’appareil critique habituel à la collection – notes bibliographiques, chronologie, index et bibliographie et sources -, il a en outre le mérite d’attirer l’attention des lecteurs français sur un personnage dont la splendeur et les misères avaient tout pour fasciner Alexandre Dumas, et dont la dernière biographie française est celle de Philippe Erlanger en 1951.

Hughes Marsat
( Mis en ligne le 25/09/2001 )
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