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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Ernest Renan
de Jean-Pierre Van Deth
Fayard 2012 /  32,50 €- 212.88  ffr. / 604 pages
ISBN : 978-2-213-63738-9
FORMAT : 15,3 cm × 23,5 cm

Une grande figure intellectuelle

Philosophe, théologien et linguiste, Jean-Pierre van Deth vient d’écrire une très complète biographie consacrée à Ernest Renan (1823-1892). Publiée aux éditions Fayard, cette très dense enquête retrace avec force détails la vie du célèbre penseur de la Troisième République.

D’une rare constance, Ernest Renan était un intellectuel qui défendit brillamment et vigoureusement les mêmes idées tout au long de sa production littéraire, morale, philosophique et religieuse. Quelle que soit la forme de ses écrits, qu’il s’agisse d’essais, de lettres, de dialogues ou de drames, Ernest Renan s’est en effet acharné à nier le surnaturel pour affirmer sa foi dans la nature et l’inéluctable progrès de la raison humaine. C’est pourquoi d’aucuns présentent sa pensée comme la quintessence du XIXe siècle français.

Né à Tréguier en Bretagne, dont il dit un jour que «l’opinion était si sotte qu’il ne fallait pas la braver», Ernest Renan était orphelin et désargenté. Il fit ses études à Saint-Nicolas-du-Chardonnet, puis au grand séminaire après s’être signalé par sa brillante intelligence. S’il se crut tout d’abord appelé à devenir prélat, il changea finalement de direction. Instruit des lacunes du christianisme et de sa «médiocrité voulue», il renonça à ce type de carrière et finit par rompre avec la religion. Il considérait le catholicisme comme trop monolithique. Il s’orienta alors vers une carrière académique au sein du Collège de France et de l’Institut afin de poursuivre son développement intellectuel tous azimuts et par-dessus tout sa recherche de la vérité.

En 1849 et en 1950, l’Institut lui confia une mission archéologique en Italie, à la suite de laquelle Ernest Renan écrivit quelques ouvrages dont le succès fut phénoménal. Politiquement, il ne demeura pas neutre et s’opposa quelque peu à Napoléon III, même s’il comptait des amis parmi les rangs des bonapartistes libéraux. Il reprochait, toutefois, au régime impérial son cléricalisme béat. Ce faisant, il s’attira les foudres des milieux religieux, lesquels l’accusèrent notamment d’être stipendié par les milieux juifs. Il fut révoqué de sa chaire en 1864.

Hostile à toute guerre contre le Prusse, il dut néanmoins assister à la conflagration de 1870. Ernest Renan prévoyait, toutefois, que les deux pays seraient finalement contraints par la force des choses de se réconcilier dans un avenir plus ou moins proche. La République lui sera beaucoup plus favorable que le Second Empire, puisqu’il poursuivra son ascension en étant élu à l’Académie française en 1878, puis en devenant administrateur du Collège de France en 1883.

A sa mort, sa réputation était excellente. Par exemple, le Grand Orient lui rendit hommage avec une énorme couronne en forme de triangle. Il faut dire que ses multiples publications sur la religion, sur la science et sur la nation connurent un succès considérable. Sa grande clairvoyance et son inlassable travail scientifique lui avaient donné une très large audience, à bien des égards semblable au rayonnement des grands esprits encyclopédiques de la Renaissance. Si bien que certaines voix s’étaient élevées pour que ses restes soient transférés au Panthéon.

Un très bel ouvrage sur l’une des figures intellectuelles françaises les plus fascinantes. Dommage, cependant, qu’il manque une introduction à cette étude fine et complète.

Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 15/05/2012 )
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