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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Madame de Maintenon. À l’ombre du roi soleil
de Alexandre Maral
Belin - Portraits 2011 /  20 €- 131  ffr. / 170 pages
ISBN : 978-2-7011-5769-6
FORMAT : 13,6 cm × 21,5 cm

L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye est professeur agrégé et docteur en histoire moderne.

Insaisissable Madame de Maintenon

Parce que nous sommes de ceux qui pensons que la rhétorique est une composante essentielle du savoir historique, parce que nous pensons que l’intérêt de l’histoire ne réside pas dans la simple énumération de faits, mais dans une prise de position claire par rapport à eux, nous avons porté un intérêt particulier au livre qu’Alexandre Maral a consacré à Madame de Maintenon. Pour ces grandes figures du Grand Siècle, il est toujours difficile, voire intimidant, d’ajouter des phrases et des mots à la foule d’ouvrages déjà parus. Et pourtant l’auteur apporte un regard original sur l’épouse morganatique de Louis XIV, au mieux traité d’intrigante par l’historiographie, au pire…

Le style très précis de M. Maral, sa déontologie de chartiste à l’égard des sources, notamment sur les lettres de Madame de Maintenon souvent apocryphes, donnent un texte resserré, vivifiant et en même temps sujet à polémique. Les choses sont claires pour l’auteur : il faut sauver le soldat Maintenon en apportant une caution scientifique à la lecture qu’elle fit de sa propre histoire : seule la Providence serait à l’origine de ce destin qui voit une «crotte de souris», selon le terme employé par la belle-sœur de Louis XIV, épouser le plus grand roi du monde.

Mais reprenons le fil de l’argumentation de l’auteur. Son père, Constant d’Aubigné, fut un homme fort peu recommandable. Elevée dans la Réforme, elle en fut détournée par sa marraine, François de Neuillan qui lui ouvrit les portes de Paris. Là, elle y fréquenta les salons et tomba sur l’horrible Scarron qui lui aurait proposé le mariage «par ironie» car «il lui était difficile de croire raisonnablement que la jeune fille pouvait envisager de partager sa vie avec lui». Mais celle qui ne s’appelait encore que Françoise d’Aubigné préféra le mariage au couvent. Veuve en octobre 1660, elle se composa un personnage de dévote qui lui permit d’acquérir une vraie autorité dans ce siècle des saints. Et là est sans doute le ressort principal de cette femme : amasser un capital de mérite et de respectabilité afin de compenser une naissance douteuse et son manque de richesse.

Quand Madame de Montespan, maîtresse royale en titre, lui demanda de s’occuper de ses enfants adultérins, Françoise demanda que la demande vint du roi lui-même «pour accepter la redoutable mission : outre sa dignité de veuve sage, c’est aussi son étiquette de dévote qui était en jeu». Et comme «elle s’en acquitta avec la conscience et l’exactitude d’une mission accomplie pour le bien de l’État», elle s’insinua toujours plus dans l’esprit du roi. En récompense, elle obtint 250 000 livres, somme considérable qui lui permit d’acquérir la terre de Maintenon. Mais elle contraignit sa nature en restant à la cour pour accompagner la conversion du roi au tournant des années 1680. De plus en plus en faveur, il est clair pour l’auteur que le commerce entre le roi et la marquise de Maintenon resta chaste jusqu’à leur union secrète en octobre 1983.

Dans ce tableau, nous sommes loin de la Maintenon dépeinte par Françoise Chandernagor jugée «aussi hypocrite, vaine et ambitieuse que le Diable pouvait le souhaiter». Faute de sources, les raisons qui firent de la «belle indienne» l’épouse morganatique de Louis XIV, la nature exacte de leur relation resteront sans doute un mystère. Mais de là à conclure qu’elle doit tout au hasard et à la chance…

Nous nous accordons cependant avec Alexandre Maral quand ce dernier montre avec intelligence et finesse que Madame de Maintenon accompagna plus qu’elle n’influença les décisions de son royal époux, qu’elle eut un rôle d’intermédiaire primordial entre la cour et Louis XIV et noua des relations particulières avec l’Église au plus grand profit de son époux. Loin donc dans ce livre l’image de la perfide intrigante manipulée et manipulant dans l’ombre, mais bien réelle l'impression d’un texte bien fait et bien écrit.

Matthieu Lahaye
( Mis en ligne le 28/08/2012 )
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