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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Louis XIV - Homme et roi
de Thierry Sarmant
Tallandier 2012 /  27 €- 176.85  ffr. / 605 pages
ISBN : 978-2-84734-722-7
FORMAT : 16,5 cm × 23,0 cm

Thierry Sarmant collabore à Parutions.com

Les quatre saisons du Roi

Ancien élève de l’Ecole nationale des chartes et docteur en histoire, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au musée Carnavalet. Il a déjà publié une dizaine d’ouvrages sur Louis XIV et son siècle, dont Régner et gouverner : Louis XIV et ses ministres (2010) ainsi que Le Grand Siècle en mémoires (2011). L’historien vient de consacrer une belle et riche biographie à Louis XIV, récemment parue aux éditions Tallandier.

Les études sur Louis XIV sont extrêmement nombreuses. Pis, elles se multiplient chaque année. Toutefois, la plupart d’entre elles ne brossent jamais à proprement parler un portrait. Parfois jugé trop hasardeux, notamment en raison des trop nombreuses zones d’ombre nimbant les personnages du passé, l’exercice biographique est souvent délaissé au profit d’analyses plus globales se focalisant non pas sur l’individu en lui-même, mais sur l’économie, la société, la culture.

Pourtant, trois historiens s’y sont dernièrement risqués : Pierre Goubert en 1966, François Bluche en 1986 et Jean-Christian Petitsfils en 1992. A l’évidence, la personnalité de Louis XIV ne se laisse pas appréhender aisément, puisque les trois historiens ont déduit de leurs recherches trois portraits différents, voire contradictoires : alors que le premier, plutôt «iconoclaste», faisait du Roi-Soleil un homme «de gauche», tel n’est pas le cas du deuxième qui le considère comme étant «de droite» et ce faisant le «réhabilite», tandis qu’au terme d’une étude à bien des égards «équilibrée» le dernier auteur le tient pour un homme «centriste».

Dans le présent ouvrage, Louis XIV. Homme et roi, il est question à la fois et du monarque et aussi de l’homme se dissimulant derrière le roi du France, sans que l’un n'éclipse l’autre. En effet, comme le relevait lui-même le Roi-Soleil, «je ne serai pas roi, si j’avais les sentiments des particuliers». Les monarques de cette époque n’étaient pas des hommes ordinaires, loin s’en faut. Dès leur prime enfance, ceux-ci étaient en effet placés dans des contextes matériels et psychologiques on ne peut plus particuliers en raison de leur rang.

Thierry Sarmant évoque tour à tour l’éducation de Louis, son mariage, ses enfants, ses amours, ses goûts personnels ainsi que ses rapports avec ses ministres, ses généraux et ses courtisans. L’auteur brosse ici un portrait inédit, moins «solaire» et moins «noir» que ceux qui l’ont précédé. Ainsi qu’il le rappelle d’emblée, Thierry Sarmant entend ici «restituer un roi parmi les rois, un homme parmi les hommes, dans ses contradictions et sa complexité».

Pour ce faire, dans une belle langue et avec une impressionnante minutie, l’auteur s’intéresse aux «quatre saisons du roi». Le «Printemps» de Louis XIV débute avec sa naissance à Saint Germain en Laye en 1638 et prend fin avec son arrivée au pouvoir en 1661. Si le jeune Louis devint roi à l’âge de cinq ans, le début de son règne fut marqué par la régence de sa mère, Anne d’Autriche. Il épousa la fille du roi d’Espagne en 1659. A la mort de Mazarin en mars 1661, Louis s’affranchit de la tutelle maternelle. Il affirma vouloir gouverner par lui-même, c’est-à-dire sans l’aide d’un premier ministre. Marqué par la Fronde, son souci était d’exercer ses prérogatives royales sans la moindre entrave, de façon absolue.

L’«Eté» du Roi-Soleil renvoie, quant à lui, aux années 1660 et 1670, c’est-à-dire à l’époque au cours de laquelle le jeune et passionné Louis XIV s’adonna sans retenue aux idylles et à ses ambitions de conquérant. Après avoir évincé Fouquet à partir de septembre 1661, lequel fut jugé entre 1662 et 1664, le monarque s’adjoint les services de nouveaux collaborateurs issus de la bourgeoisie, comme par exemple Colbert, Le Tellier et Louvois. Afin de l’exclure de la direction des affaires du pays, l’aristocratie fut, quant à elle, envoyée à la guerre ou attirée à la cour. Le clergé ne fut pas plus associé à l’exercice du pouvoir.

Il entreprit, en outre, de centraliser le pays pour affermir davantage sa position. D’autre part, Louis XIV expérimenta le colbertisme, ce qui justifia un fort interventionnisme de l’Etat dans la sphère économique. C’était également une «guerre d’argent», menée contre les autres Etats européens, en parallèle de la guerre traditionnelle dont l’objectif était d’agrandir le royaume. Le roi mit personnellement en place le culte de la majesté royale, ainsi que le faisaient naguère les rois d’Espagne. Dans cette perspective, Versailles devint le siège de la cour dès 1662, Paris étant jugée indigne de lui.

Prenant de l’âge, parvenant à la maturité, Louis-le-Grand atteignit l’«Automne» de sa vie, synonyme selon Thierry Sarmant de «révolution intérieure, qui est à la fois physique, morale et politique». Le poids des années se faisant peu à peu sentir, le Roi-Soleil se mua en «barbon goutteux (…), dévot» et prudent. Succéda à cette période ce que l’auteur appelle l’«Hiver» de Louis XIV, lequel se clôt avec la disparition du roi en 1715. Ce fut un «âge paradoxal, où le souverain, loin de se figer, fut amené à de profondes remises en cause».

En dépit des évidentes ruptures qui ont jalonné le règne de Louis XIV, celui-ci présente une certaine unité résidant notamment dans «l’idéal politique de rayonnement» du pays par-delà ses frontières. Cette espérance, écrit Thierry Sarmant, a survécu au monarque et plus largement à la royauté. Trois siècles plus tard, s’il n’est plus question de «gloire» et de «conquête», l’une des obsessions françaises consiste à afficher l’originalité du pays, à souligner avec vigueur son «esprit d’indépendance» et sa «politique de grandeur».

Un ouvrage remarquable, qui donne à voir le prince véritable !

Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 11/12/2012 )
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