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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Charles IX - Un roi dans la tourmente des guerres civiles (1560-1574)
de Jean-François Labourdette
Honoré Champion - Bibliothèque Histoire Moderne 2018 /  70 €- 458.5  ffr. / 565 pages
ISBN : 978-2-7453-4928-6
FORMAT : 15,5 cm × 23,5 cm

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer est conservateur général aux Archives nationales et professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié : Richelieu (Flammarion, 2004), La Double mort du roi Louis XIII (Flammarion, 2007), Monsieur Descartes (Flammarion, 2010), ainsi que Rendez à César. L'Eglise et le pouvoir. IVe-XVIIIe siècle (Flammarion, 2017).

La parole est au roi

Dans la galerie des rois de France, Charles IX (1550-1574) n’occupe pas une position des plus prestigieuses, et de son règne (1560-1574) le roman national a retenu l’épisode sanglant de la Saint Barthélemy (24 août 1572) dont la très connue figuration par le huguenot François Dubois montre le roi arquebusant les Parisiens depuis une fenêtre du Louvre (conservée au Musée communal de Lausanne) ; il a voulu y voir la cause de la mort du souverain qui l’aurait ordonnée, lequel depuis «n’avait de repos qu’interrompu de tressauts et de gémissements qui se terminaient en reniements et en propos tendant au désespoir», à tel point qu’il «sortait du sang par les pores de sa peau presque en tous endroits» (Agrippa d’Aubigné).

Légende noire – qui encore tout récemment a fait la trame pseudo-historique du roman Charly 9 de Jean Teulé (Juilliard, 2011) – ou réhabilitation d’un roi aux prises avec une impossible concorde ? Les historiens n’ont pas cessé de discuter de la responsabilité de la famille royale dans le déclenchement du massacre, qu’ils l’en exonèrent au profit des Guise (Jean-Louis Bourgeon), l’attribuent au duc d’Anjou (Thierry Wanegfellen) ou y voient l’engrenage des événements (Denis Crouzet). Charles IX a fait l’objet de quelques biographies maintenant anciennes (notamment Michel Simonin, Charles IX, Paris, Fayard, 1995), tandis que la Saint Barthélemy a bénéficié de l’excellente relecture d’Arlette Jouanna (La Saint-Barthélemy : les mystères d'un crime d'État, 24 août 1572, Paris, Gallimard, coll. «Les journées qui ont fait la France», 2007).

Tout autre est le propos poursuivi par Jean-François Labourdette dont le dessein est de laisser de côté le débat historiographique et de faire retour aux sources, plus précisément à une source : la correspondance du roi conservée à la Bibliothèque nationale de France. Après la correspondance diplomatique mise à contribution dans un premier ouvrage (Charles IX et la puissance espagnole : diplomatie et guerres civiles, 1563-1574, Paris, Honoré Champion, 2013), c’est la correspondance d’État du roi – les lettres adressées à ses frères (Henri, duc d’Anjou, le futur Henri III, et François, duc d’Alençon), Christophe de Thou, le premier président du Parlement, les gouverneurs des provinces, princes du sang et grands seigneurs, maréchaux de France, membres du Conseil ainsi que les secrétaires d’État récemment créés par Henri II – qui constitue la source exclusive de ce nouveau travail dont le but est de donner la parole au souverain lui-même.

De facture très classique, le récit qui en est tiré s’ouvre par la présentation de ce réseau des correspondants, puis, en trois parties, retrace fidèlement la trame des événements : le roi de guerre de 1566 à 1569 avec une volonté de pacification qui ne peut éviter la deuxième puis la troisième guerre civile dont il sort victorieux avec le succès du duc d’Anjou le 13 mars 1569 à Jarnac ; le roi de concorde de 1570 à 1572, autour de l’édit de Saint-Germain du 8 août 1570, qui se mue en roi de tragédie, à partir du 24 août 1572, avec la quatrième guerre jusqu’à la fin du règne le 30 mai 1574.

La méthode mise en œuvre est particulièrement originale : fourmillant de citations tirées de ces correspondances d’État, le texte est une relecture du règne écrite d’une plume très sobre qui se limite à mettre en valeur la documentation – à laquelle il faudrait adjoindre les actes royaux dont le catalogue systématique reste encore à réaliser – sans suggérer une quelconque démonstration. Il s’agit en fait de retrouver l’érudition pour renouveler l’histoire et le constat qui s’en dégage s’impose de lui-même au lecteur : l’image de Charles IX qui ressort des deux volumes complémentaires (plus de 1000 pages au total) est finalement positive : il conjugue des aspects machiavéliens, autoritaires, pacificateurs, catholiques, voire compassionnels, complexes à l’image de son époque. Ainsi, relu de la sorte, l’épisode final, s’il se déroule bien dans un contexte dramatique, est dépourvu de tout caractère de démence et montre un roi certes malade, mais n’ayant en rien abdiqué de sa volonté et de sa capacité à la formuler.

Jean-François Labourdette nous doit maintenant deux choses : l’édition savante de la correspondance de Charles IX, mais aussi la grande biographie qui permettra à cette documentation de passer à son crible les hypothèses des historiens et à un souverain mal aimé car méconnu de prendre sa véritable dimension.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 31/10/2018 )
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