L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Garibaldi
de Jérôme Grévy
Presses de Sciences Po - Références/Facettes 2001 /  15 €- 98.25  ffr. / 380 pages
ISBN : 2724608046

Le Père de l'unité italienne entre le mythe et l'histoire

Il ne faut pas se méprendre, en dépit du titre, ce livre n’est pas une biographie de Garibaldi ; et, disons-le tout de suite, c’est bien regrettable. En premier lieu parce que, comme nous l’apprend la très complète liste de sources finales, la dernière biographie de Garibaldi en Français - excepté le livre de Max Gallo, jugé une “ hagiographie parfois approximative “ (p. 257) - a été publiée il y a près de soixante-dix ans (F. Ewald, Garibaldi, Paris, Éditions du Siècle, 1933). En second lieu, parce que Grévy aurait pu certainement nous donner une très bonne biographie du héros des deux mondes. Sa connaissance des sources manuscrites et de la littérature critique est très entendue et sa connaissance de l’histoire italienne est remarquable. D’ailleurs de sa maîtrise de l’argument il nous donne un essai important dans la deuxième, et plus courte, partie du livre (Enjeux garibaldiens) où il analyse la pensée de Garibaldi. Très justement, Grévy souligne combien on a constamment sous-estimé "la portée politique de son action et de sa pensée, en affirmant que ses conceptions en ce domaine avaient été confuses et sans cohérence" (p. 271). De fait, si Garibaldi n’était pas un doctrinaire, mais surtout un homme d’action, la cohérence de ses idées politiques est incontestable. Garibaldi a toujours prôné "l’idéal démocratique" qui "devait s’affirmer dans le local comme dans le national, l’européen ou l’universel" (pp. 336-337). Bien sûr, pour atteindre le but final de la République universelle il était nécessaire d’essayer tout le moyens d’action disponibles, pacifiques mais aussi militaires et insurrectionnels, toutefois "les modalités selon lesquelles elle se construirait […] ne doivent donc pas être confondues avec les finalités sans cesse affirmées: la paix, la fraternité, la concorde" (p. 337).

Il ne s’agit donc pas d’une biographie, alors, mais d’une étude du mythe de Garibaldi. Une tache que Grévy réalise avec beaucoup d’adresse ordonnant dans une périodisation très charpentée un grand nombre d’informations. Le mythe garibaldien - et c’est un des acquis importants du livre - a été forgé de son vivant pour les exigences de la lutte pour l’unification italienne. Après le Risorgimento, le mythe n’a pas cessé de se modifier suivant les muables exigences de chaque saison politique. On a eu par exemple – et il s’agit de deux paragraphes exemplaires – pendant la dictature de Mussolini une fascisation du mythe garibaldien et, après sa chute, une revendication de l’antifascisme de Garibaldi.

En marge de ce travail bien fait on peut formuler deux petites remarques. Dans son analyse Grévy donne peut-être trop d’importance à des ouvrages antigaribaldiens qui plus que du débat politique relèvent du domaine du folklore ou du colportage hebdomadaire, comme celles de Pazzaglia o de Gleijeses (cf. pp. 261-264). Enfin, Grévy affirme qu’aujourd’hui "les biographies du héros ne semblent plus constituer un produit commercial prisé" (p. 259). Ce n’est pas du tout vrai, peu après la parution du livre de Grévy, l’une des principales maisons d’édition italiennes a publié une nouvelle et bien écrite biographie de Garibaldi (A. Scirocco, Garibaldi. Battaglie, amori, ideali di un cittadino del mondo, Laterza). Tout compte fait, Grévy nous propose un livre très documenté, utile pas seulement pour le public français, mais aussi pour les historiens italiens.

Maurizio Griffo
( Mis en ligne le 02/07/2002 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)