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Le Général Saint-Hillier - De Bir Hakeim au putsch d'Alger
de Jean-Christophe Notin
Perrin 2009 /  24 €- 157.2  ffr. / 368 pages
ISBN : 978-2-262-02791-9
FORMAT : 15,5cm x 24cm

Un Français, libre par un auteur, libre

Après deux maréchaux célébrissimes, Leclerc et Foch, J.-C. Notin a choisi cette fois un général de la Seconde Guerre inconnu du grand public, Bernard Saint-Hillier. Tout l’enjeu de son livre est là : comment tenir le lecteur en haleine pendant 368 pages avec un officier à la notoriété restreinte ? Notin recourt à sa recette traditionnelle : un style riche, très vivant, qui le démarque vraiment de la plupart de ses confrères, et une documentation exceptionnelle. Il en ressort une biographie à la construction fort classique, mais remarquablement agréable à lire et surtout, riche d’enseignements. Une véritable plongée dans l’armée de la deuxième moitié du XXe siècle.

Le début de carrière de Bernard Saint-Hillier est traditionnel : Saint-Cyr, bataillon de chasseurs-alpins, Légion étrangère. Là où son destin décolle, et la biographie de Notin avec, c’est en juin 1940, lors du ralliement à la France Libre. Grâce à sa grande habileté à manier les archives, dont les fameux carnets inédits du général, Notin présente les états d’âme des Français Libres qui ont abandonné pays, famille, carrière. On est loin de la légende dorée d’hommes inébranlables, acquis à vie au général de Gaulle. On peut ainsi lire sous la plume de Saint-Hillier qu’il espère beaucoup en Weygand jusqu’à la mi-1941.

Notin décrit ensuite de l’intérieur la vie des Français Libres, presque au jour le jour. Car Saint-Hillier notait tout : sa peur de ne jamais revoir la France ; les tensions avec Larminat, Koenig ou Legentilhomme ; les espoirs et déceptions causés par de Gaulle. Notin livre aussi – pour la première fois, à notre connaissance – les tensions que le ralliement à la France Libre pouvait créer au sein même des couples. La femme de Saint-Hillier peut ainsi lui écrire en mars 1941 (en évoquant leur fils né en août 1940) : «Si vous attendez encore longtemps pour revenir (en France), il parlera, dira papa et marchera».

Bir Hakeim, la Tunisie, l’Italie, la France : Notin décrit chaque étape de la libération avec la même aisance que dans ses précédents ouvrages Les Vaincus seront les vainqueurs et La Campagne d’Italie. Le livre prend une tournure différente après guerre. On suit pas à pas les tourments d’un ancien Français Libre dans une armée composée à une écrasante majorité d’anciens Vichystes ou Giraudistes. Le récit du putsch d’Alger est une pièce de choix où l’on retrouve le sens de l’analyse scientifique de l’auteur qui nous démontre pièce après pièce pourquoi Saint-Hillier, contrairement à ce qui fut laissé entendre par la suite, n’a pas pu prendre part à la conjuration.

Le seul petit bémol est paradoxalement l’enthousiasme de Notin qui, parfois, se met plus dans la peau de Saint-Hillier qu’il ne l’étudie ; d’où un léger manque de recul qui apporterait la touche de perfection à un tableau déjà magnifique. Ainsi les toutes dernières phrases du livre disent formidablement son empathie avec le général : «Jamais la tempête ne fit céder Saint-Hillier, qu’elle vînt d’Allemagne en 1940 ou d’Algérie en 1961. Il ne fut pas le guerrier le plus héroïque, ni le plus inspiré. Mais jusqu’à son dernier souffle du 28 juillet 2004, il eut toujours la force, exemplaire, de demeurer, envers et contre tout, dans ses gestes comme dans son âme, un Français, libre».

Jacques Augier
( Mis en ligne le 10/11/2009 )
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