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Histoire & Sciences socialeset Biographie  

Le Prince Victor Napoléon
de Laetitia de Witt
Fayard 2007 /  28 €- 183.4  ffr. / 541 pages
ISBN : 978-2-213-63127-1
FORMAT : 14,0cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions d’histoire des religions et d’histoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages d’initiation portant notamment sur le Moyen Age et sur l’histoire de l’art.

Un prétendant sans prétentions : Victor Napoléon

Celui qui fut, pendant près de quarante-cinq ans, le chef du parti bonapartiste, a trouvé son biographe. La carrière et la vie de ce quasi inconnu de l’historiographie se trouve racontée, analysée, commentée dans un ouvrage issu d’une thèse soutenue par l’arrière-petite fille du prince Victor Napoléon (1862-1926). Est-ce par piété familiale que ce travail, très érudit et fondé sur des sources, privées et publiques, jamais exploitées jusqu’à maintenant, présente de façon plutôt positive la vie et l’œuvre de l’héritier des deux empires ? Il était délicat de raconter l’histoire d’un homme qui connut plus d’échecs que de succès, plus d’années passées dans l’inaction que dans le leadership d’une cause finalement enterrée avec celui qui l’incarnait !

Il s’agit du petit-fils de Jérôme Bonaparte, frère de Napoléon Ier. Le jeune homme est élevé dans les fastes du Second Empire et cultive une amitié durable avec le Prince Impérial. Prince Impérial dont la naissance avait fort contrarié le père de Victor, jusqu’alors seul héritier de l’empereur. Déception qui tourne à la rupture familiale lorsqu’il apparaît que le Prince Impérial a désigné, par testament, Victor pour son héritier politique, par-dessus la tête de son père. Celui-ci, surnommé Plon-Plon, passait pour avoir peu de compétence politique et de surcroît un caractère difficile.

Soucieuse de bien expliquer attitudes et prises de position dans l’histoire du temps, l’auteur de la biographie de Victor Napoléon conduit son exposé selon une double démarche : elle raconte les événements, petits et grands, d’ordre privé et public, qui ont jalonné la vie du prince Victor, et interrompt son récit par une explication de la situation politique, intérieure (les données des élections sont amplement explicitées) et internationales. Le tout dans une succession de chapitres brefs, dont chaque titre donne le sens de ce qui y est contenu. Le lecteur est introduit dans l’histoire politique du Second Empire, de la Troisième République, depuis ses origines, son établissement et la vie parlementaire, jusques et y compris la Première Guerre mondiale. On assiste, en ce qui concerne le bonapartisme, aux divisions internes, au rôle de plus en plus réduit du parti jusqu’à sa disparition totale. À la mort de son «chef» naturel, il n’a plus un seul député à la Chambre.

Au-delà des péripéties de l’existence de Victor Napoléon, la question fondamentale est bien celle-ci : le net et irrémédiable déclin du parti bonapartiste, à partir de 1879, est-il la cause ou la conséquence du peu de popularité du prince ? Et ce manque de popularité, jusque chez les plus chauds partisans du bonapartisme, est-il dû à l’inactivité de son responsable dynastique ? Laetitia de Witt se donne bien du mal pour expliquer que l’intéressé se trouvait empêché d’agir différemment. Sans doute, exilé à Bruxelles après que la République ait voté (1886) une «loi d’exil» concernant tous les descendants d’une quelconque monarchie, celui-ci fut aussi victime des divisions du parti comme des profondes mésententes familiales. Mais la lucidité amène l’auteur à se demander si «la politique (…) n’était pas seulement une des obligations [c’est nous qui soulignons] liées à sa position de prétendant» (p.313). Un héritier qui, contrairement à ses deux ancêtres, n’attendait – par principe et/ou par tempérament ? – rien qui ne fût issu de la légitimité des urnes. Et puis, il manque totalement de moyens financiers. Il lui faut attendre d’être pensionné par le parti pour s’affranchir de la tutelle paternelle ; par la suite, il ne vivra – et encore relativement modestement – que des pensions versées par ses partisans et par quelques membres de sa famille, dont l’impératrice Eugénie.

Alors, victime ou responsable ? Une question complexe à laquelle le livre n’apporte pas de réponse définitive, laissant les spécialistes de l’histoire du parti décider d’un problème au demeurant présentant de multiples facettes, qui vont bien au-delà d’une biographie, quelle que soit sa qualité. Il n’empêche que l’ouvrage de L. de Witt, que l’on partage ou non sa sympathie désabusée pour le personnage, enrichit considérablement la réflexion. Il s’adresse aussi bien à l’amateur averti qu’à l’historien, lequel y trouvera, en même temps que la liste (impressionnante) des sources utilisées, une solide bibliographie sur toute la période. On appréciera aussi l’index prosopographique des personnages cités sans lequel le «profane» se perdrait un peu, compte tenu des homonymies. Une personnalité historique est révélée, dans son intimité comme dans sa place politique.

Jacqueline Martin-Bagnaudez
( Mis en ligne le 13/07/2007 )
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