L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Face au totalitarisme, la résistance civile
de Jacques Semelin
André Versaille - Histoire 2011 /  19,90 €- 130.35  ffr. / 111 pages
ISBN : 978-2-87495-127-5
FORMAT : 12,5cm x 21,5cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

L'homme révolté

Dans De la dictature à la démocratie, Gene Sharp avance que la «défiance politique» peut être fatale aux dictatures. Celui que les médias présentent comme une sorte de maître à penser des actuelles révolutions arabes définit la défiance politique comme «le combat non-violent – protestation, non-coopération et intervention – appliqué de manière active sous forme de défi dans un but politique. (…) «Défiance» signifie une sommation délibérée à l’autorité par la désobéissance, ne laissant aucune place à la soumission». Le thème est de plus en plus récurent et a dernièrement fait l’objet d’une publication de la part de Jacques Semelin, intitulée Face au totalitarisme – La résistance civile.

Karl Popper expliquait, naguère, que les totalitarismes placent l’individu dans une alternative moralement inacceptable : en effet, l’individu est sans cesse contraint d’opter soit pour la passivité, i.e. la soumission au pouvoir, soit l’héroïsme via la résistance. La résistance, J. Semelin, l’a définie dans Sans armes face à Hitler comme le «processus spontané de lutte de la société civile par des moyens non armés, soit à travers la mobilisation de ses principales institutions, soit à travers la mobilisation de ses populations, ou bien grâce à l’action des deux à la fois». Le Professeur de relations internationales entendait souligner, par ce biais, que la résistance civile constituait une sorte d’impensé dans les sciences humaines et sociales. D’après lui, «le recours à des moyens de lutte non-armée se faisait de manière spontanée, sans préparation : de tels phénomènes pouvaient jaillir du corps social, sans que personne ne les ait prévus» (p.23).

J. Semelin se penche tout d’abord sur les fondements à la fois historiques et théoriques de la résistance civile. Celle-ci découlerait du droit de résistance, lequel renvoie à la Révolution française et plus spécialement à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, dont l’article 2 considère le droit de résistance à l’oppression comme un droit naturel au même titre que la liberté, la propriété et la sûreté. Cette faculté demeure toutefois difficile à institutionnaliser, le droit ne pouvant la saisir que partiellement. Robespierre, à ce sujet, affirmait qu’assujettir le droit de résistance à l’oppression constituait le dernier raffinement de la tyrannie.

Ensuite, l’auteur traite les concepts de la dissidence, de la désobéissance et de la résistance. Pour ce faire, J. Semelin fait notamment référence à L’homme Révolté d’Albert Camus, qui écrivait que «l’homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est». Il poursuivait sur le thème de la révolte en en disant qu’«apparemment négative puisqu'elle ne crée rien, la révolte est profondément positive puisqu'elle révèle ce qui, en l'homme, est toujours à défendre (...). La révolte est l'une des dimensions essentielles de l'homme». En effet, l’homme révolté «ne défend pas seulement un bien qu'il ne possède pas ou dont on l'aurait frustré. Il vise à faire reconnaître quelque chose qu'il a, et qui a déjà été reconnu par lui, dans presque tous les cas, comme plus important que ce qu'il pourrait envier».

Après avoir mis en lumière les soubassements de la résistance civile, J. Semelin applique sa grille conceptuelle sur des cas concrets. Ainsi, il traite dans un premier temps l’Allemagne nazie, puis l’Europe soviétique. Pour conclure, le Professeur cite notamment des passages d’Etienne de La Boétie sur la servitude volontaire : «je désirerais seulement qu’on me fit comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un Tyran seul, qui n’a puissance que celle qu’on lui donne». «Soyez résolus à ne plus servir, ajoutait jadis l’écrivain, et vous serez libres» (p.98).

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 15/03/2011 )
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