L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Jean-Luc Nancy - Retracer le politique
de Pierre-Philippe Jandin
Editions Michalon - Le Bien commun 2012 /  10 €- 65.5  ffr. / 123 pages
ISBN : 978-2-84186-581-9
FORMAT : 11,6cm x 18,7cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

''L'être-en-commun''

«Qu’est-ce donc un démocrate, je vous prie ? C’est là un mot vague, banal, sans acception précise, un mot en caoutchouc. Quelle opinion ne parviendrait pas à se loger sous cette enseigne ? Tout le monde se prétend démocrates, surtout les aristocrates». Sceptique, cette assertion l’est assurément. On la doit à Louis-Auguste Blanqui, lequel s’interrogeait en l’espèce sur la surprenante ambivalence du langage.

Pierre-Philippe Jandin a choisi de placer cet aphorisme en exergue de son dernier ouvrage intitulé Jean-Luc Nancy. Retracer le politique. Publié aux éditions Michalon, ce livre se penche sur la pensée développée par le philosophe Jean-Luc Nancy, naguère proche de Jacques Derrida. Avec Philippe Lacoue-Labarthe, le philosophe a entendu étudier «la co-appartenance essentielle (et non accidentelle ou simplement historique) du philosophique et du politique», laquelle serait au cœur de la pensée occidentale. Le philosophique irait donc de pair avec le politique, et vis-versa. La prise en compte cette implication réciproque serait nécessaire.

Ce serait d’autant plus urgent que «les mots et concepts encore valides il y a quinze ans, comme «l’Etat de droit», «les droits de l’homme», «la démocratie», perdent chaque jour visiblement de leur crédibilité aussi bien pratique que théorique et symbolique» en raison des «ambivalences» résultant des «progrès scientifiques, technique, juridiques et moraux». Comme l’indique à cet égard Pierre-Philippe Jandin, «c’est la possibilité même d’un lieu commun qui semble se dérober : les concepts hérités de notre tradition semblent insuffisants pour penser le commun de l’existence ou un monde partagé».

Entendant surmonter et dépasser le «nihilisme», notamment parce que la question de la valeur n’est pas caduque, tant s’en faut, Jean-Luc Nancy plaide pour une approche critique de l’humanisme. Pour ce faire, explique-t-il, «il semble que le temps soit venu de penser Heidegger contre Heidegger». A cet égard, la pensée d’E. Lévinas a influencé Jean-Luc Nancy. L’ancien disciple de M. Heidegger écrivait que «l’humanisme ne doit être dénoncé que parce qu’il n’est pas suffisamment humain». Celui-ci ajoutait que l’«intuition géniale» de l’antihumanisme consistait en l’abandon de «l’idée de personne, but et origine d’elle-même, ou le moi est encore quelque chose».

Après la chute des totalitarismes, lesquels se seraient à leur manière efforcés de remédier à l’«inconsistance du peuple, à la défaillance de son identité», il importerait de repenser «l’être-en-commun». C’est avec finesse et précision que Pierre-Philippe Jandin rend compte de la richesse de la pensée du philosophe Jean-Luc Nancy concernant le «communisme» non pas en tant que système politique, mais comme le fait que nous existons irrémédiablement «en commun».

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 13/03/2012 )
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