L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Science Politique  

Naissance du Code Civil - La raison du législateur, Travaux préparatoires du Code civil
de François Ewald
Flammarion 2004 /  21 €- 137.55  ffr. / 409 pages
ISBN : 2-08-210360-9
FORMAT : 14x22 cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris-I-Sorbonne, Thierry Sarmant est conservateur en chef du patrimoine au Service historique de l'armée de Terre. Il prépare, sous la direction du professeur Daniel Roche, une habilitation à diriger des recherches consacrée à "Louis XIV et ses ministres, 1661-1715". Il a publié une vingtaine d'articles sur l'histoire politique et culturelle de la France moderne et contemporaine et six ouvrages dont Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003)et La Roumanie dans la Grande Guerre et l'effondrement de l'armée russe (1999).

La raison naturelle en tant qu’elle gouverne tous les hommes

Quand Pierre-Antoine Fenet, avocat à la Cour d’appel de Paris, publiait son Recueil des travaux préparatoires au Code civil, en quinze volumes et sept mille pages imprimées, cette compilation devait permettre aux jurisconsultes de retrouver l’«intention du législateur», suivant la méthode en usage au XIXe siècle.

Les morceaux choisis que l’équipe dirigée par François Ewald a tirés de cette somme offrent au lecteur d’aujourd’hui l’occasion d’entrer à son tour dans l’intimité des créateurs du Code. Il s’agit le plus souvent de discours, prononcés au Conseil d’Etat, au Tribunat ou au Corps législatif pendant la discussion des différents livres du Code, quelquefois de débats survenus à cette occasion. Nous entendons ainsi s’exprimer Bonaparte et Cambacérès, Portalis, Tronchet, Bigot-Préameneu, Maleville, Treilhard, d’autres encore. Au-delà des différences de style et d’opinions, on est frappé de la qualité de l’expression, de la netteté de l’exposition, de l’élévation de la pensée, de la véritable éloquence même qui jaillit de certains morceaux. Sans doute le choix dans le corpus a-t-il privilégié les pièces les plus remarquables, telles que le célèbre discours préliminaire de Portalis, mais l’impression n’en demeure pas moins, à lire ces paragraphes frappés en médailles, que les législateurs du Consulat appartiennent aux meilleurs penseurs de leurs temps, hommes sortis de la Révolution mais dépouillés de sa phraséologie verbeuse.

De la même manière, le Code civil apparaît ici moins comme une création ex nihilo que comme une œuvre de transaction : entre le droit coutumier de la France du Nord et le droit écrit de la France du Midi, d’une part, entre les traditions juridiques et les idées nouvelles, de l’autre. En retranchant le livre préliminaire, «Du droit et des lois», qui devait ouvrir le Code, ses rédacteurs ont renoncé à faire œuvre philosophique ou dogmatique ; d’avance, ils ont prévu la péremption future de nombreux articles de leur ouvrage – intervenue beaucoup plus vite qu’ils ne l’avaient imaginé. Pour autant, leur méthode de discussion, de rédaction, d’organisation des textes, s’offre comme un modèle toujours valable. Quant à leur entreprise, elle marque l’aboutissement des aspirations juridiques des Lumières, pour qui le droit n’aurait dû être «que la raison naturelle, en tant qu’elle gouverne tous les hommes».

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 03/05/2004 )
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