L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

L'Âge de l'accès - La nouvelle culture du capitalisme
de Jeremy Rifkin
La Découverte - Poche 2005 /  12.50 €- 81.88  ffr. / 393 pages
ISBN : 2-7071-4608-0
FORMAT : 13x19 cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.

Sur l'hypercapitalisme

Jeremy Rifkin s'est fait connaître en France avec la parution en 1996 de son ouvrage La Fin du travail. A ce moment, les discussions étaient nombreuses sur la place accordée au travail dans nos sociétés et un courant d'opinion proposait de déconnecter de toute activité l'obtention d'un revenu minimum ; c'était l'idée d'un revenu d'existence.
Depuis, Rifkin s'est imposé comme expert international et dispose d'une large audience, auprès du grand public comme auprès des décideurs, en tentant à chaque ouvrage de dégager les tendances les plus lourdes qui traversent les économies et sociétés modernes. Cinq ans après sa première édition en France, L'Âge de l'accès garde tout son intérêt pour appréhender certaines évolutions de l'économie contemporaine.

Deux aspects de méthodes font tout d'abord l'originalité de cet ouvrage. D'une part l'auteur ne se contente pas d'exposer ce que l'on nomme communément "la nouvelle économie" : il s'attache à démontrer comment toutes les activités - de la nouvelle comme de l'"ancienne" économie donc – sont traversées par de nouvelles règles du jeu, l'exemple le plus saisissant étant le secteur de l'agriculture. D'autre part, il insiste pour inscrire les évolutions actuelles dans le long terme ; plus qu'une rupture il s'agit pour lui de "l'étape finale d'une longue trajectoire historique".

Son expression "âge de l'accès" désigne en fait un double passage : "Cette ère nouvelle voit le réseau prendre la place des marchés et la notion d'accès se substituer à celle de propriété." C'est donc une reconfiguration fondamentale de nos économies qui serait à l'œuvre.
La franchise ou le maïs "Terminator" illustrent parfaitement l'émergence de ces nouvelles formes de pouvoir économique. La franchise aujourd'hui aux Etats-Unis représente 35% des commerces (soit 550 000 établissements), emploie 7,2 millions de salariés et un chiffre d'affaires global de 800 milliards de dollars. Il ne s'agit en rien d'entreprises indépendantes mais de "concessionnaires dépendants négociant leur accès à des réseaux de prestataires tout-puissants". Ainsi, des petits commerces deviennent des représentants de grandes marques en cédant "leur autonomie pour avoir accès aux économies d'échelle qui garantissent la compétitivité des grandes entreprises."

Dans l'agriculture, les évolutions ne concernent pas seulement les manipulations génétiques. De puissantes entreprises (aux Etats-Unis, Monsanto contrôle 33% du marché du soja, Delta Pine and Land contrôle 85% du marché des semences de coton, etc.) proposent à des agriculteurs des semences brevetées, qui ne sont dès lors jamais véritablement vendues mais louées. "Les nouvelles semences produites de la récolte appartiennent au détenteur du brevet et ne peuvent être réutilisées à la saison suivante. L'agriculteur jouit seulement d'un accès provisoire à la propriété intellectuelle d'un tiers." Certaines plantes sont même génétiquement programmées pour respecter ce cadre d'utilisation. Cela constitue bien une rupture historique profonde car, comme le souligne Rifkin, "depuis le début de la révolution néolithique, les agriculteurs ont toujours été propriétaires de leurs semences."

Bien d'autres thèmes viennent illustrer l'avènement de cet "âge de l'accès" : la dématérialisation de l'économie, le développement des services de location, les nouvelles formes d'habitation, comme de nouvelles formes d'organisation économique (l'exemple le plus célèbre reste certainement l'entreprise Nike qui ne possède ni usine, ni machine, ni équipement nécessaires à la fabrication de chaussures). Mais ce qui alarme le plus l'auteur, c'est le développement de la logique marchande à toutes les expériences humaines. "C'est désormais la totalité de notre existence qui est marchandisée (…) les services que nous nous rendons réciproquement et jusqu'aux expériences culturelles que nous partageons." Ce phénomène est parfaitement illustré par un nouveau concept utilisé en marketing, celui de "life time value" qui désigne la valeur marchande potentielle de chaque moment de la vie d'un individu.

En ce sens le titre original est plus explicite : The Age of Acces, The New Culture of Hypercapitalism where All of Life is a Paid-for Experience. L'ouvrage permet de mieux comprendre que l'évolution économique n'est pas uniquement le résultat de simples développements de certaines activités mais aussi de ruptures parfois profondes.

Guy Dreux
( Mis en ligne le 23/05/2005 )
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