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Histoire & Sciences socialeset Sociologie / Economie  

Le Capital social - Performance, équité et réciprocité
de Michel Lallement , Antoine Bevort et Collectif
La Découverte - Recherches 2006 /  30 €- 196.5  ffr. / 322 pages
ISBN : 2-7071-4804-0
FORMAT : 15,5cm x 24,0cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.

Enfin, un ouvrage sur le capital social

Il était temps ! Voilà près de vingt années que le "capital social" est devenu une des notions les plus discutées et les plus étudiées en sociologie. Et malgré les centaines, les milliers d'articles qui lui sont consacrés, principalement aux Etats-Unis, aucune publication sérieuse à ce jour n'avait paru en France. C'est chose faite avec cet ouvrage particulièrement riche et rigoureux dirigé par Antoine Bevort et Michel Lallement. Sobrement intitulé Le Capital social, l'ouvrage permet, à partir d'une vingtaine d'articles, de percevoir la multiplicité des approches et des utilisations possibles de cette notion, mais aussi d'accéder à certains articles fondamentaux.

On pourrait placer le point de départ de cet incroyable intérêt pour le "capital social" à partir de ce que l'on peut appeler la "controverse Putnam". En 1995, Robert Putnam publie en effet un article sous le titre «Bowling alone», article que l'on trouve (enfin !) traduit dans cet ouvrage. En 2000, il poursuit son travail et publie un ouvrage sous le même titre. En s'inspirant des travaux de James Coleman, Putnam avance que, mesuré à travers les adhésions aux associations, aux syndicats ou aux partis politiques, les visites entre amis, les degrés de confiance accordés aux entourages professionnels ou aux institutions publiques, etc., le capital social des Etats-Unis diminue. En soi, ce n'est peut-être pas une catastrophe. Mais le choc est quasiment immédiat à partir du moment où l'on croit pouvoir expliquer une partie de la croissance économique par ce facteur.

C'est principalement dans cette perspective que des économistes, sociologues, politistes, appartenant à des universités ou à de grandes institutions internationales (comme l'OCDE ou la Banque mondiale), vont lancer de grands programmes de recherches sur cette question. Rarement dans l'histoire des sciences sociales une notion nouvelle n'aura suscité aussi rapidement une telle mobilisation de moyens matériels et humains. Pourtant l'idée de base n'est pas nouvelle. Hume déjà au XVIIIe siècle avait souligné tout l'intérêt que l'ensemble d'une communauté pouvait avoir à établir et faire exister des relations de confiance (trust) entre ses membres. La nouveauté semble venir du fait que, par élargissement de la logique de l'économie standard, et notamment de l'ouvrage canonique de Gary Becker, Human Capital (1964) – toujours non traduit !-, un certain nombre d'indicateurs "objectifs" peuvent être employés pour définir et mesurer ce fameux "capital social".

La publication d'un tel ouvrage en France est d'autant plus salutaire que de nombreux auteurs, les premiers étant les américains, ont eu tendance à présenter Pierre Bourdieu comme l'un des premiers concepteurs de cette notion (l'ouvrage republie d'ailleurs son article fameux «Capital social : Notes provisoires», paru en 1980). Ces deux références, Becker et Bourdieu, marquent en quelque sorte l'espace de la discussion critique et une partie de ses enjeux politiques. Pour certains, cette notion prolonge simplement la conceptualisation de l'Homo oeconomicus ; pour d'autres, elle permet un élargissement salutaire de la réflexion strictement économique en intégrant des dimensions "non comptables" indispensables à la vie en société. De même que pour certains, le capital social est une richesse susceptible d'être créée par les individus rationnels eux-mêmes (par exemple, Francis Fukuyama), alors que pour d'autres, elle rappelle la nécessité d'institutions et de politiques publiques.

On aura compris que les enjeux sont majeurs. Et ce n'est pas la moindre des qualités de l'ouvrage que d'en permettre une meilleure compréhension grâce au nombre et à la qualité des contributions réunies.

Guy Dreux
( Mis en ligne le 01/06/2006 )
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