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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Vingt ans en 40
de Olivier Guichard
Fayard 1999 /  14.5 €- 94.98  ffr. / 184 pages
ISBN : 2-213-60497-5

Une histoire de famille ?

Baron, Olivier Guichard l'est à double titre. Baron d'empire de par ses ascendances paternelles. Baron du gaullisme de par son indéfectible fidélité au Général. Dans son dernier ouvrage, il évoque ce rattachement bipolaire, sa fidélité non altérée à la mémoire de son père et à celle du général de Gaulle. Refusant le manichéisme de notre époque, Olivier Guichard choisit d'entretenir ces deux mémoires dans un même respect. Et pourtant, les bien-pensants d'aujourd'hui, déjà identifiés - et dénoncés - par Bernanos, n'admettront pas ce choix. En effet, aux heures décisives de l'été 1940, alors que le général de Gaulle lance depuis Londres son appel à la résistance, le père de l'auteur, le capitaine de corvette Guichard, rejoint l'état-major de l'amiral Darlan à Vichy.

Au fil des pages, rédigées dans une très belle langue, illustrées par des citations qui, par leur richesse, laissent songeur, Olivier Guichard nous livre avec pudeur quelques éléments de son propre parcours sous les ombres tutélaires des deux personnalités que furent son père et le général de Gaulle. Rappelons que l'auteur ne fut en aucune manière un attentiste; dès le 19 juin 1940, Olivier Guichard choisit sans ambiguïté son camp puisqu'il tente sans succès de passer en Espagne. Cet élément contribue à accroître le poids de son témoignage puisqu'en vouant à ses "deux pères" (p. 11) un égal respect, l'auteur n'est aucunement mu par un quelconque souci d'autojustification.

Electron libre placé à l'intersection de deux champs magnétiques différents, Olivier Guichard a su se donner une trajectoire qui lui est personnelle mais qui est droite. Ce n'est cependant qu'une partie de l'ouvrage, certes importante, qui est consacrée au tournant de la Seconde guerre mondiale, Olivier Guichard évoque aussi les relations qu'il eut avec le général de Gaulle au temps du R.P.F., pendant la traversée du désert et après 1958.

Cet ouvrage ne veut en aucune façon s'apparenter à des mémoires. Sans doute est-il plus plausible de le qualifier d'essai autobiographique. Fort de sa propre expérience, Olivier Guichard réfléchit sur le passé et en éclaire le présent. Les références à l'actualité sont fréquentes et donnent parfois lieu à de cruels coups de griffes à l'encontre de ceux qui, dans la sphère politique, se réclament aujourd'hui de l'oeuvre du général de Gaulle.

Pourtant, Vingt ans en 40 n'est en aucune façon un livre que l'on peut qualifier de réactionnaire : il ne s'agit pas pour l'auteur de pleurer une grandeur disparue et de conspuer une décadence en cours. En ce sens, l'auteur évite un travers que manifestent bon nombre des gaullistes historiques : celui de l'hagiographie bêlante. Certes, Olivier Guichard voue une immense admiration au général de Gaulle qui, pourtant, a souvent fait preuve d'ingratitude à son égard. Mais le temps du culte est révolu. Rappelons en effet qu'Olivier Guichard n'a pas toujours fait preuve de ce recul : ses mémoires, souvent hagiographiques à l'égard du général de Gaulle, tendaient alors à l'associer au cercle des "godillots" du Général. (Mon Général, Paris, Grasset, 1980). Olivier Guichard envisage désormais cette fidélité avec la sagesse du philosophe. Puisse ce livre montrer combien le manichéisme est un réflexe stérile et le jugement difficile pour ceux qui n'ont pas eu Vingt ans en 40.

Guillaume Zeller
( Mis en ligne le 04/04/2000 )
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