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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

La Corse du jeune Bonaparte - Manuscrits de jeunesse
de Napoléon Bonaparte
Editions Albiana 2009 /  12 €- 78.6  ffr. / 240 pages
ISBN : 978-2-84698-324-2
FORMAT : 12,5 x 20 cm

Présentation d'Antoine Casanova

L'auteur du compte rendu : Natalie Petiteau est professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Avignon.


Les jeunes années de Napoléon

Antoine Casanova est, rappelons-le, l’auteur d’un excellent Napoléon et la pensée de son temps, premier ouvrage à avoir véritablement renouvelé la connaissance de Napoléon depuis plusieurs décennies. Il donne ici à lire, grâce à l’heureuse initiative des éditions Albiana, les écrits rédigés par Napoléon dans sa jeunesse, et fait donc profiter le lecteur de sa parfaite connaissance de la Corse du XVIIIe siècle, à laquelle il a consacré une magistrale thèse d’Etat. Car tel est bien tout l’intérêt de l’introduction à ces écrits de jeunesse : reconstituer l’univers social et familial dans lequel s’est formé le jeune Napoléon Bonaparte. A partir du milieu des années 1780, ce dernier s’essaie à plusieurs types d’écriture ; le recueil ici présenté rassemble donc méditations personnelles, esquisses romanesques, démonstrations philosophiques et politiques, écrits sur la Corse, mais aussi notes de lecture abondamment nourries de réflexions personnelles.

Antoine Casanova s’emploie à restituer le «roman familial» qui éclaire ces écrits. Récit de la mère sur la guerre vécue aux côtés de Paoli avant même la naissance de Napoléon, volonté de résistance aux Français, héroïsation du père et de la mère, position des notables dans la Corse des années 1770. S’y ajoutent ensuite les expériences de Brienne et de l’école militaire de Paris, et les lectures qu’il fait alors. Mais la rencontre entre les références héroïco-civiques accumulées en Corse et les expériences et lectures de Brienne et de l’école militaire de Paris induit un remodelage de la culture initiale de Bonaparte. Antoine Casanova analyse avec brio les facteurs qui entrent en jeu avec cette nouvelle phase de la vie de Napoléon : car il rencontre en France des structures sociales où il se sent en position d’infériorité, tandis qu’il se nourrit des récits des vies des héros de l’Antiquité grecque et romaine, mais aussi des histoires de la lutte de Paoli, mais encore de la philosophie de Rousseau. Sorti de l’école militaire, Bonaparte a sans cesse de nouvelles occasions de déplorer les privilèges dont jouissent les aristocrates, il se heurte souvent à la morgue de jeunes officiers fiers d’être «bien nés». Il se dresse contre l’oppression, la corruption et la frivolité qu’il rencontre dans la société de la fin du XVIIIe siècle.

Ses écrits expriment dès lors ses aspirations à d’autres modes de rapports sociaux, en se fondant sur de solides argumentations philosophiques et politiques et, notamment, sur une appropriation des textes de Rousseau. Il observe ensuite avec attention les données qui expliquent les débuts de la Révolution, devant lesquels il éprouve étonnement, émotion, colère mais aussi espérance. On le voit ensuite traversé par des désirs de plus en plus contradictoires, entre son enthousiasme pour les débuts de la Révolution et son envie de jouer son destin en Corse. Contre Paoli, il choisit finalement de tout faire pour que la Corse elle aussi bénéficie des effets de la République établie en France.

Mais ces quelques lignes ne suffisent pas à rendre compte de la richesse de l’analyse d’Antoine Casanova, attentif à toutes les complexités qui s’expriment dans l’écriture napoléonienne, mais aussi aux inflexions chronologiques déterminées par les données socio-politiques, et également aux significations du style du jeune officier. Au total, il montre comment se positionne le futur empereur entre capacités d’analyse et possibilités d’action.

Au-delà des lignes passionnantes d’Antoine Casanova, qui montre comment il convient désormais de relire la biographie de Napoléon, il faut découvrir les pages écrites par le jeune Bonaparte : son style montre un jeune homme nourrit de la culture classique et humaniste, fasciné par les Lumières, imitateur de Rousseau, par ailleurs chantre de Paoli, défenseur, initialement, d’une Corse indépendante. Profitons de ce temps où Napoléon Bonaparte n’est pas occupé à faire des conquêtes et à administrer des États pour l’entendre parler de son temps et de ses espoirs. Les biographes de Napoléon ont trop longtemps oublié que bien des traits de caractère de ce personnage considéré hors du commun ont été livrés par Napoléon lui-même. Ces écrits permettent en tout cas de mieux cerner qui était l’homme auquel a été confié le soin de reprendre Toulon aux Anglais, puis de triompher des royalistes avant de partir à la conquête de l’Italie puis de l’Egypte.

Natalie Petiteau
( Mis en ligne le 16/02/2010 )
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