L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Ah, que la politique était jolie !
de Jean Ferniot
Grasset 2010 /  18.90 €- 123.8  ffr. / 313 pages
ISBN : 978-2-246-72521-3
FORMAT : 14cm x 22,5cm

L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin.

Ah, que la politique était jolie !

«De Gaulle avait son style, à périodes raciniennes. George Pompidou caressait Balzac, Valéry Giscard d’Estaing rêvait de Maupassant, François Mitterrand châtiait son langage en songeant à Chateaubriand. Jacques Chirac fréquentait plutôt Henry Bordeaux. Nicolas Sarkozy côtoie, lui, Frédéric Dard» (p.118). C’est en ces termes que Jean Ferniot qualifie dans son dernier ouvrage Ah, que la politique était jolie ! le style des chefs de l’Etat de la Ve République, à la notable exception d’Alain Poher.

Consacré à la vie politique française de 1945 à la fin des années 1980, le livre regorge d’anecdotes sur les différentes générations de décideurs politiques qui se sont succédé. Sous la forme d’un abécédaire, l’ouvrage présente de a à z les souvenirs de l’ancien journaliste de RTL, de France-Soir et de L’Express. Tout y passe, ou presque… Témoin privilégié des mœurs politiques hexagonales de la Libération à la Ve République, Jean Ferniot commence par se pencher sur l’agriculture, puis enchaîne sur une kyrielle de thèmes allant de l’argent à Zola, en passant par le colonialisme, la décentralisation, l’opinion ou même le whisky !

Si la plupart des articles sont intéressants, certains pèchent sinon par partialité, du moins par manque de rigueur. C’est par exemple le cas de l’article dédié aux communistes. Reprenant le fameux mot de Guy Mollet selon lequel «les communistes ne sont pas à gauche, ils sont à l’Est», Ferniot compare le PCF à un «corps étranger diffusant ses toxines dans l’organisme national». «Dès sa création, poursuit l’auteur, ce parti a pourri la vie publique du pays (p.71). Cette disqualification parait somme toute trop hâtive dans la mesure où, certes à partir de juin 1941, les communistes français ont eu le mérite de Résister à l’occupant nazi et contribué, au terme de la Seconde Guerre mondiale, à donner une valeur constitutionnelle à certaines exigences sociales. A cet égard, préférons donc à la réflexion à l’emporte-pièce de Jean Ferniot l’analyse plus nuancée de l’historien des idées politiques Isaiah Berlin en faveur du pluralisme radical : «être libéral, c’est non seulement accepter les opinions divergentes, mais admettre que ce sont peut-être vos adversaires qui ont raison» !

En revanche, d’autres articles portant par exemple sur les différents chefs d’Etat de la Ve République présentent un plus grand intérêt. Au fil des pages, Jean Ferniot égrène les anecdotes amusantes et les bons mots. Dans le chapitre consacré aux démocrates-chrétiens, l’ancien journaliste rapporte qu’un jour George Bidault apostropha Paul Reynaud ainsi : «La route du fer est toujours coupée ?» Et Reynaud de lui rétorquer : «Pas celle du zinc, en tout cas» (p.99) !

Si au final le style de l’ancien journaliste est plaisant à lire, ses souvenirs exhalent un parfum de nostalgie un peu rance et tendent probablement à idéaliser plus que de raison le passé.

Alexis Fourmont
( Mis en ligne le 04/05/2010 )
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