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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Cahiers in-octavo - 1916-1918
de Franz Kafka
Rivages - Petite Bibliothèque 2012 /  8.65 €- 56.66  ffr. / 248 pages
ISBN : 978-2-7436-2332-6
FORMAT : 11,0 cm × 17,0 cm

Pierre Deshusses (Traducteur)

Le Testament trahi

Après les Aphorismes de Zuraü, pensées fragmentées de l'auteur tchèque, dont la publication pose selon nous des problèmes à la fois moraux, littéraires et éditoriaux, Rivages réédite Cahiers in-octavo, sorte de brouillons d'écriture de Franz Kafka (1883-1924) durant les années 1916-1918. Comme voulant se venger d'un auteur qui souhaitait mettre au feu la quasi totalité de son œuvre, les éditeurs européens s'acharnent à publier tout ce que l'on a retrouvé après sa mort. Et ces Cahiers ne sortent pas de la règle : Historiettes (dont la plupart sont inachevées), mini contes, pensées minimalistes, fragments bizarres, phrases coupées composent ces huit cahiers qui couvrent deux années de la vie de l'auteur, alors bien mal en point.

L'analyse de ces cahiers de travail est proprement impossible (et n'a pas lieu d'être). Si Kafka y avait inclus ses listes de courses ou la feuille de ses comptes, elles auraient été prises en compte tant la moindre phrase isolée y est répertoriée. Exemple à la page 192 : "Lecture des journaux" ; ou page 167 : "Tous entrèrent dans la pièce". Ces phrases nominales ou incomplètes, censées peut-être introduire une histoire ou une pensée, sont jetées pêle-mêle entre des fragments ou d'autres textes plus longs dont le sens est parfois insaisissable ou inaccessible au lecteur profane. Et pour cause ! Ces écrits servaient de carnets de travail, d'ébauches à des œuvres que l'on connait déjà et sûrement à d'autres qui n'ont finalement jamais été produites. Même si l'atmosphère des romans de Kafka peut apparaitre ci et là, on est loin du génie romanesque de l'auteur pragois. Ces sources n'intéresseront sans doute que certains historiens de la littérature.

Mai si l'on veut lire Kafka, qu'on se reporte à ses chefs-d'œuvre. Tout le reste n'est que trahison, fétichisme et surtout non respect de son testament (lui même sérieusement mis en cause par son ami Max Brod... et dramatiquement respecté par les nazis qui ont massacré quelques archives de l'homme de lettres).

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 24/04/2012 )
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