L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Minus - La petite enfance en Grèce et à Rome
de Charles Senard, Louise de Courcel et alii
Les Belles Lettres - Signets 2019 /  15 €- 98.25  ffr. / 266 pages
ISBN : 978-2-251-44891-6
FORMAT : 11,0 cm × 18,0 cm

Puer, Pueris

Tirer sur le fils les plus ténus, les plus anodins, les plus anecdotiques, les plus intimes de la trame historique est devenu chose commune depuis l'école des Annales et c'est l'une des plus enrichissantes perspectives qu'aient offerte les sciences humaines des soixante dernières années. L'histoire ne s'est pas construites avec des majuscules et de la chair à statues, mais avec des émotions et des nécessités de survie quotidienne ; et si nous avions, dans le futur, à dire, à expliquer l'essentiel de notre époque, c'est sans aucun doute notre vie banale et pourtant si riche que nous raconterions.

Par le biais d'une anthologie thématique (et non pas chronologique) de textes, Minus s'intéresse à la petite enfance dans la Grèce et la Rome antiques, ce qui permet de se plonger dans une littérature très diversifiée, qui va de l'histoire naturelle aux récits mythologiques, en passant par des ouvrages de médecine - littérature désormais largement oubliée et dont on peut ici retrouver quelques brides de beauté ainsi que la spécificité des métaphores et des formules rhétoriques usitées. Aux côtés des grandes figures comme Virgile, Pline, Plutarque, Cicéron, Horace, Suétone, Aristote, Lucrèce, Aristophane ou Platon, on redécouvre ainsi le médecin Soranos d'Ephèse et ses conseils de procréation, de sevrage ou... d'exposition, Venance Fortunat et son poème sur la tendresse d'une mère, Stace célébrant l'amitié d'un maître pour un petit esclave, etc.

Les mille nuances des vies réelles se faufilent ainsi entre la dureté des statuts, les impitoyables inégalités sociales et les infortunes du destin, comme la mort - si courante - des jeunes enfants à une époque dénuée d'antibiotiques et où les équilibres alimentaires n'étaient pas toujours à portée du plus grand nombre. Ainsi, des figures émergent, dans toute leur détresse, leur délicatesse et leur destinée tragique : les nourrices, les esclaves, les mères, les enfants exposés, c'est-à-dire abandonnés en fonction de critères eugéniques.

Quoique l'appareil de notes mette les texte en perspective et que les auteurs soient présentés à la fin de l'ouvrage, le portrait qui est donné est plus impressionniste que clinique ; par exemple, les conseils médicaux n'avaient pas la légitimité qu'ils ont aujourd'hui ; ils ne sont donc pas à considérer de la même manière. Minus est donc à lire en parallèle des monographies sur le sujet, en sorte de donner chair aux donnée et de percevoir les marges, les parenthèses, les interstices qui parsèment les structures familiales et sociales – mais de tout de même envisager ces structures.

Frédéric Dufoing
( Mis en ligne le 03/06/2019 )
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