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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

La route de Samarkand au temps de Tamerlan
de Ruy Gonzáles de Clavijo
Imprimerie nationale - Voyages et Découvertes 2002 /  38 €- 248.9  ffr.
ISBN : 2743304448

Sur les terres de Tamerlan

Dans la grande tradition des récits de voyage, l’Imprimerie nationale vient de rééditer celui de Ruy Gonzáles de Clavijo, diplomate castillan, qui nous plonge sur les routes de la mythique Samarkand, dans l’univers du mystérieux Tamerlan. Epopée passionnante, d’abord parce que ce voyage représente, dans les toutes premières années du XVème, une prouesse édifiante ! Epopée passionnante surtout, parce qu’elle nous plonge dans l’empire de l’un des plus mystérieux souverains de ce Moyen-Age finissant.

Quoi de plus étonnant en effet que cette mission diplomatique castillane, décidée par un souverain catholique, pour partir à la rencontre d’un chef militaire musulman appelé Timour Lang (devenu Tamerlan par la grâce des traducteurs !). C’est que, pour éloigné que soit l’empire de Tamerlan, avec sa légendaire capitale, Samarkand (située dans l’actuel Ouzbékistan), sa réputation a cependant franchi les frontières jusqu’à l’Occident chrétien ! Et quelle réputation ! Celle d’un empire sans frontières et d’un souverain avide de conquêtes et assoiffé de sang, dont on raconte, avec effroi, qu’il bâtit, dans les villes conquises, des tours avec les têtes de ses ennemis… Mais en même temps, un souverain bâtisseur qui, une fois la victoire assurée, s’enquiert de la mise en valeur du territoire conquis : reconstruction de monuments, travaux d’irrigation… Cependant, ce sont avant tout des considérations politiques qui amènent l’Occident chrétien, encore en pleine croisade, à la rencontre de Tamerlan. Si l’empire de Tamerlan croît en effet, de conquête en conquête, jusqu’à la Chine, englobant ainsi l’ancienne Asie Mineure et l’actuelle Asie Centrale, il n’en déborde pas moins sur les possessions ottomanes, avec lesquelles il rentre rapidement en conflit. L’Occident ne pouvait donc porter qu’un regard bienveillant sur cet « allié objectif », susceptible de damner le pion au Turc.

Le récit de Ruy Gonzáles de Clavijo couvre quatre années (1403 - 1406), au cours desquelles la mission castillane parcourt des milliers de kilomètres depuis Cadix jusqu’à Samarkand, en passant par Rhodes, Constantinople, encore chrétienne, Trézibonde (éphémère capitale, sur la Mer Noire, de l’empire byzantin des Comnène), avant l’entrée, enfin, sur les terres de Tamerlan. La chevauchée emprunte alors l’Arménie, l’Iran puis l’Asie centrale. Jusqu’aux diverses rencontres officielles avec Tamerlan dont est émaillé l’ambassade castillane. C’est l’occasion pour Ruy Gonzáles de Clavijo de raconter, en détails, la formidable épopée de Tamerlan. Ce qui fait de son récit un témoignage de premier plan pour qui veut connaître l’histoire de ce souverain iconoclaste, empereur sans titre, musulman ouvert aux vieilles traditions chamaniques, destructeur et pilleur invétéré en même temps que protecteur des arts et des artistes (Ibn Khaldoun notamment), démon sur terre pour les uns, dieu vengeur pour les autres !

Un très bel ouvrage donc, peu illustré, les conquêtes et les vents ayant eu raison de cet empire, qui intéressera avant tout les lecteurs soucieux de se plonger dans la fabuleuse histoire de Tamerlan.

Alexis Vialle
( Mis en ligne le 15/12/2002 )
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