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Histoire & Sciences socialeset Témoignages et Sources Historiques  

Regard d'un Parisien sur la Commune - Photographies inédites de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris
de Jean Baronnet
Gallimard - Paris Bibliothèques 2006 /  35 €- 229.25  ffr. / 175 pages
ISBN :  2-07-011868-1
FORMAT : 25,5cm x 26,5cm

La Commune de Blancard

Catalogue d’une exposition à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, cet ouvrage vient dignement rendre hommage à un photographe amateur méconnu, Hippolyte Blancard, pharmacien de son état, et adepte passionné de la photographie.

L’ensemble des négatifs des photographies de Blancard était déposé à la BHVP et n’avait jusqu’alors fait l’objet d’aucune présentation. Le fonds de ces photographies inédites, sans doute donné à la BHVP peu avant la Grande Guerre ou peu après 1940, avait en effet été remisé sans être accessible au public en raison du délicat maniement de négatifs stéréoscopiques sur verre. Grâce à Jean Baronnet, cinéaste et grand connaisseur de la Commune, la numérisation des clichés a pu être entreprise.

Les négatifs des photos de Blancard constituent un témoignage exceptionnel tant par la nature des sujets présentés que par la période couverte – le siège de Paris par les armées prussiennes de novembre 1870 à février 1871, le second siège de Paris par les armées versaillaises ainsi que la guerre des rues qui fait rage et s’achève par la lugubre «semaine sanglante», du 21 au 28 mai 1871. L’intérêt de ces photographies reproduites avec une lumineuse qualité de noir et blanc est avant tout documentaire : si la Commune et ses destructions ont été amplement photographiées en particulier par quelques grands noms comme André Disdéri ou Auguste Bruno Braquehais (dont quelques clichés sont reproduits dans l’ouvrage), le siège est moins connu et l’ampleur des bombardements, dont on prend la mesure en constatant les dégâts sur les ruines de Saint-Cloud ou les nombreux ponts détruits, préfigure les guerres totales du XXe siècle.

On découvre des paysages de la banlieue parisienne sous un jour inédit : abimés, ravinés par les tranchées mais dans lesquels des hommes, des femmes, des enfants posent gravement devant l’objectif de Blancard. Le second siège de Paris nous donne à voir des vues de barricades, des troupes campant dans le jardin du Luxembourg reconverti en artillerie pour la Garde nationale. Ce qui étonne le lecteur, c’est de constater à quel point Blancard semble libre de ses mouvements pour aller photographier aussi bien les faisceaux de la Garde nationale place Vendôme que les pièces d’artillerie des bastions sur les fortifications. De même, durant la semaine de mai où les combats font rage, il se rend dans les rues et photographie les magasins incendiés, les ruines du ministère des Finances, rue de Luxembourg (sujet prisé des photographes mais vu sous un angle original) et surtout l’incendie du Palais de Justice et de la Préfecture de Police : monté sur les toits, en plein jour, il nous montre les funestes panaches de fumée qui envahissent tout le centre de Paris. L’épisode est un des plus fameux de la Commune mais on en n’avait jusqu’ici qu’une seule photographie, prise de Montmartre. Les ruines enfin font l’objet de la dernière partie de l’ouvrage : alors que la vie reprend peu à peu son cours, Blancard, comme de nombreux photographes fascinés par les vestiges du Paris historique, photographie les lieux de pouvoir, le palais des Tuileries dévasté ; le palais de Justice et bien sûr l’Hôtel de Ville. Parfois ces clichés sont peuplés de passants, de travailleurs qui déblaient, de gendarmes, d’une vendeuse de vin, autant de témoins anonymes qui humanisent ces terribles clichés et suggèrent le retour à la normale d’une ville encore peuplée, malgré les 36 309 arrestations opérées à la suite de la reddition des Communards.

Au-delà du fantastique reportage photographique livré par cet anonyme pharmacien, on doit reconnaître les indéniables qualités artistique d’un homme qui, comme le remarque Jean Baronnet dans sa précieuse introduction, «s’éloigne aussi des conventions par le choix de cadres audacieux», ce dont le cliché du Ministère des Finances est une illustration. Ce catalogue rend justice au travail d’un artiste dont l’histoire retiendra désormais le nom et fait aussi partie des indispensables pour qui s’intéresse à l’histoire de la Commune et du XIXe siècle en général.

Claire Barillé
( Mis en ligne le 13/02/2007 )
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