Histoire & Sciences sociales
Géopolitique de Régis Debray
Gallimard - Folio 2009 / 8,70 €- 56.99 ffr. / 445 pages
ISBN : 978-2-07-039800-3
FORMAT : 11cmx18cm
Debray en Israël
Le prétexte de ce livre est de suivre les pas de Jésus en Terre sainte tels que racontés dans les Évangiles, pour en décrire la situation actuelle, économique politique et humaine. Bien sûr, s'agissant de Régis Debray, le religieux est omniprésent mais vu de l’extérieur. La couverture montre une main de fatma, une étoile juive et une croix chrétienne.
Ce livre est une bonne révision de nos notions d'histoire, de la plus antique à la plus contemporaine mâtinée de géographie (Israël, Palestine, Sud Liban) déplorant la disparition des paysages, la caporalisation des ressources en eau et les trucages du tourisme pieux (largement orthodoxe et protestant). Le tout plein d'ironie et de sympathie pour les acteurs de tous les camps, mais aussi et surtout de critique féroce des systèmes en place chez chacun. Il y a de multiples portraits ou micro-monographies en général indulgents ; celui du Hebzbollah est notamment beaucoup moins antipathique que ce qui nous est fourni par les médias.
Régis Debray prend dans ce livre des allures de vieux sage sceptique et désespéré. Comme il fustige ceux qui ne prennent pas parti, il se force à en prendre un. Après beaucoup d'hésitations, il choisit «celui du plus faible», c'est-à-dire celui des Palestiniens, chrétiens comme musulmans, tout en ajoutant qu'ils seront aussi abusivement féroces que les autres s'ils cessent un jour d'être les plus faibles et en multipliant les petites vacheries à leur égard. Par exemple, en un peu résumé : l'Oriental se bat contre sa mise en tutelle et n'hésitera pas à encager les personnes pour y parvenir ; les trois malédictions du musulman sont l'âge d'or, le complot et l'honneur : débuter par un succès dégoûte du présent, on s'exonère de ses échecs en se posant en victime de complots et il faut des représailles pour sauver un honneur sans cesse bafoué.
Les vacheries visant les chrétiens et les Israéliens sont du même tonneau et alternent avec les coups de chapeau aux nombreuses personnalités exceptionnelles rencontrées, même si l'auteur constate que, comme lui, on passe de l’état de jeune impulsif ignorant (son propre passé «révolutionnaire») à celui de vieil adulte paralysé par une meilleure connaissance de la réalité.
La lecture est agréable, l'essai est écrit dans un excellent français avec une pléiade de belles formules et sans le snobisme ou l'ignorance qui consiste à glisser des mots anglais là où le français convient parfaitement. Et cela bien qu'une bonne partie des conversations rapportées ait eu lieu dans la langue de Shakespeare, tandis que les assez nombreuses avec les francophones des trois religions (les chrétiens surtout) sont bien signalées.
Inutile d'en dire plus. Ce genre de livre ne s'analyse pas et ne se résume pas non plus.
Yves Montenay
( Mis en ligne le 16/02/2010 )
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