L'actualité du livre
Essais & documentset   

Les Profiteurs de l'Etat
de Bernard Zimmern
Plon 2001 /  18.02 €- 118.03  ffr. / 276 pages
ISBN : 2-259-19439-7

Vue en coupe de la fonction publique

C'est un peu un hasard si ce livre sort en même temps que ceux d'autres énarques appelant à la réforme de l'Etat, car son auteur, Bernard Zimmern est aussi le créateur et l'animateur de l'IFRAP, qui produit régulièrement des enquêtes sur l'administration française. Par ailleurs patron de l'entreprise qu'il a créée aux États-Unis et au Japon, il est bien placé pour connaître les contrastes entre ces pays et la France. D'où ce livre solidement documenté et animé de nombreux témoignages et qui, indépendamment de son aspect polémique, est une base de données intéressante sur la comparaison entre les deux rives de l'Atlantique.

L'auteur note que les sociétés civiles étrangères réagissent aux dérives de leurs administrations par la création d'organismes privés de contrôle. Il lui paraît vital que la France fasse de même, sinon l'exode de ses jeunes et de ses meilleurs cerveaux s'accélérera encore. Il regrette que les entreprises privées françaises, aussi performantes que leurs concurrentes étrangères, voient leurs efforts annulés par le coût de notre Etat.

Certes, nous pensons en général que ce coût vient de notre plus grand souci de réduire les inégalités et plus généralement d'un système social plus protecteur. Mais Bernard Zimmern traque les biais statistiques des études officielles qui ont diffusé cette opinion, études qu'il qualifie de "propagande étatiste à la gloire du service public" ayant pour but de diaboliser les Etats-Unis. Ainsi serait masqué le surcoût de notre système par rapport aux solutions moins coûteuses mais plus efficaces de la société civile américaine.

L'auteur estime que ce surcoût vient du nombre des fonctionnaires mais aussi du niveau de leurs salaires, de celui de leurs retraites, de leurs avantages financiers, sociaux et en nature. Parmi ces privilégiés, il épingle particulièrement ceux des Finances, de la Banque de France et la RATP. De plus, ce système ne servirait qu'à organiser la misère : cinq fois plus de travailleurs sociaux qu'aux Etats-Unis pour un moindre résultat, subvention d'un faux secteur associatif, chômage généré par la bureaucratie. Le tout financé par des services fiscaux qui "font du chiffre" de manière souvent brutale et injustifiée.

Bernard Zimmern estime finalement que nous tombons dans une anarchie croissante, le Parlement et les politiques n'ayant ni information fiable ni pouvoirs concrets sur la fonction publique, tandis que sa propre école, l'ENA, ne formerait pas des responsables, mais des politiciens. Nous serions donc gouvernés par une oligarchie administrative issue d¹un monde protégé, clos et qui aurait le monopole de l'information. L'auteur propose une série de mesures pour "revenir en démocratie" et rendre sa place au Parlement ainsi qu¹à la société civile.

Ce livre est une attaque sérieuse et argumentée d'un système, et non, comme le montrent les exemples, du fonctionnaire "moyen" qui en est souvent la victime. Mais pour ce dernier (ou ses représentants), cette nuance sera occultée par le mot "privilégié" qui n'est pas ressenti comme un constat, mais comme une insulte! Si l'on y ajoute l'agacement de voir son monde considéré comme "clos", et globalement moins efficace que celui de ces Américains tant vilipendés, on peut craindre des réactions de rejet...

Yves Montenay
( Mis en ligne le 06/02/2001 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)