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Une si jolie petite fille - Les Crimes de Mary Bell
de Gitta Sereny
Plein Jour 2014 /  23 €- 150.65  ffr. / 437 pages
ISBN : 978-2-37067-004-5
FORMAT : 14,1 cm × 22,5 cm

Géraldine Barbe (Traducteur)

Les Origines du mal

Gitta Sereny (1921-2012) était une journaliste britannique spécialiste des questions sur le Mal. Trois ouvrages font référence : Au fond des ténèbres. Un bourreau parle : Franz Stangl, commandant de Treblinkaet Albert Speer, son combat pour la vérité traitent directement des questions du mal à l’échelle universelle. Une si jolie petite fille s’intéresse au cas Mary Bell qui a assassiné de sang froid deux enfants de 3 et 4 ans à Newcastle en 1968. Comme à chaque fois, l'enquête intègre un récit, une analyse, des entrevues et des dialogues rapportés.

Sereny avait déjà écrit un livre sur cette triste affaire, Meurtrière à 11 ans, en 1974. A l’époque, Mary Bell purgeait sa peine et son entourage lui déconseilla la lecture de l’ouvrage. En 1995, Sereny veut prolonger son enquête et rencontrer Mary pour comprendre (voire défendre) celle qui a écopé de vingt ans d’emprisonnement pour homicide involontaire.

Qu’apprend-on sinon que la jeune Marie a étranglé deux petits garçons à quinze jours d’intervalle avec ou non l’intention de donner la mort (car qu’est-ce que la mort pour une fillette de 10 ans ?) ? Si ces actes affreux ne sont pas passés sous silence, les causes obscures qui ont poussé l’enfant meurtrière ont davantage intéressé l’auteur que les juges qui ont condamné la fillette de manière assez brutale. En effet, elle s’intéresse à l’enfance quelque peu chaotique de Mary (persécutée par une mère intrusive) puis aux années d’incarcération dans une prison de femmes où il est difficile de se reconstruire. L’idée est de trouver des circonstances atténuantes à un enfant qui en vient à en massacrer deux autres. L’enquête est rude, complexe, bien documentée et dense.

Le problème est que Sereny s’appuie sur un fait divers peu universel (contrairement à ces livres sur Stangl ou Speer) en la personne d’une pauvre gamine repentie qui a commis un double meurtre (en compagnie d’une camarade acquittée) et qui a pu refaire sa vie après presque vingt ans de prison. Certes, condamner un enfant comme un adulte est scandaleux mais que faire face à ce type d’affaire ? Sereny, dans un style documentaire et fouillé, tente de réhabiliter Mary en plongeant dans cette affaire qui semble la passionner. Mais le lecteur peut être saturé d’informations psychologisantes qui ne font pas avancer l'intrigue. Même si la rareté d’un tel crime peut nourrir la réflexion sur le cas des meurtriers mineurs, il n’en est pas moins vrai ici que le rendu de cet acte isolé perd parfois de sa force dans la structure même du récit.

Sereny dresse aussi un portrait de la Grande Bretagne des années 60, à la manière d’un Norman Mailer, en se plongeant corps et âme dans les ténèbres d’un acte odieux et sur lequel tant de mystères persistent : le portrait d’une certaine Angleterre, celle des classes populaires abandonnées et de la solitude des âmes qui les peuplent.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 10/10/2014 )
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