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Le Verbe contre la barbarie - Apprendre à nos enfants à vivre ensemble
de Alain Bentolila
Odile Jacob 2007 /  21.90 €- 143.45  ffr. / 201 pages
ISBN : 2-7381-1762-7
FORMAT : 15,0cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu: Guy Dreux est professeur certifié de Sciences Economiques et Sociales en région parisienne (92). Il est titulaire d'un DEA de sciences politiques sur le retour de l'URSS d'André Gide.

Le doux commerce des mots

"La langue n'est pas faite pour parler à un autre moi-même, celui qui pense comme moi, qui a vécu où j'ai vécu, qui croit en le même dieu que moi. La langue n'est pas faite pour parler à ceux que j'aime ; elle est faite, j'ose le dire, pour parler à ceux que l'on n'aime pas, pour leur dire des choses qu'ils n'aimeront sans doute pas, mais qui nous permettront peut-être de mieux vivre ensemble." Voilà, d'une formule, le credo de Alain Bentolila. Partant de l'idée que la violence doit se comprendre comme "l'inéluctable conséquence de l'incapacité de mettre en mot sa pensée", il entend préciser les moments fondamentaux qui, dans l'apprentissage et l'usage du langage, assurent ou non cette fonction pacificatrice.

Suivant le fil de l'éducation des plus jeunes, de la petite enfance à l'adolescence, Alain Bentolila attire notre attention sur ce qui se joue très tôt, dès les premières expériences langagières. En s'intéressant particulièrement aux situations d'apprentissage du langage et d'expression, il insiste sur l'importance de la culture orale dans l'apprentissage de la culture écrite. La découverte des mots écrits est en effet beaucoup plus simple pour des enfants qui disposent d'un vocabulaire vaste. La richesse et la précision de ce premier vocabulaire sont déterminantes pour l'acquisition du langage écrit.

Plus généralement, Bentolila souligne ce qui doit être considéré lorsque l'on emploie l'expression "richesse d'une langue". Si la langue est souvent présentée comme un outil, elle ne doit pas être conçue comme un rapport au monde figé et défini une fois pour toute. Son utilité ne consiste pas seulement en effet à proposer des signes adéquats pour nommer les choses. De sorte que la richesse d'une langue ne relève pas du nombre de mots qu'elle propose mais des articulations qu'elle permet. "Une langue ne se définit pas par la quantité de mots dont elle dispose, mais par sa capacité à imposer au monde l'intelligence de ceux qui la parlent". Et c'est dans cette dernière perspective que Bentolila situe la vertu pacificatrice du langage et plus précisément du verbe.

De façon générale, on regrettera que l'ouvrage, assez rapide sur les différents éléments abordés, présente une lecture rapide, voire partielle, de nombreux thèmes. Tout se passe comme si l'auteur (à partir d'une commande ?) entendait comprendre les émeutes urbaines de décembre 2005 qui ont d'autant plus frappé les esprits qu'elles ont souvent été perçues comme silencieuses sur elles-mêmes, comme des situations idéal-typiques de misère linguistique. Si elles le sont, partiellement mais indéniablement, il convient d'être plus prudent notamment sur la situation économique et sociale de cette partie de la jeunesse.

De même, on pourra se demander s'il existe, comme le laisse entendre l'auteur, une grammaire démocratique et une grammaire totalitaire. Reste un ouvrage qui, parce que facile d'accès, présente au moins le mérite d'initier le plus grand nombre à certaines réflexions qui restent trop souvent des débats d'experts.

Guy Dreux
( Mis en ligne le 14/02/2007 )
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