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La face cachée du Monde, entretien avec Pierre Péan



« D’un contre-pouvoir Le Monde est devenu un pouvoir ».

Parutions.com : Que vous inspire l’article d’Edwy Plenel dans Le Monde daté de mercredi 26 février 2003 ?

Pierre Péan : J’attendais une réponse argumentée, quelque chose de très puissant et là j’ai une réponse qui vise uniquement à nous décrédibiliser. Est-ce que cela va venir après ? Je ne sais pas ! Alors il y aura la Justice, et là on verra bien si on a suffisamment de documentation… Je ne peux pas dire aujourd’hui qui va gagner. Dans tous les cas j’ai été déçu de la réponse d’hier. Plenel ne répond pas sur les faits. Il n’y a pas l’ombre d’une réponse sur le problème de 20 minutes, sur la question des comptes, de la déontologie, du lobbying facturé, etc. Rien !

Parutions.com : Quels sont vos objectifs en publiant cette enquête ? Espérez vous que l’équipe dirigeante changera, que les méthodes du journal évolueront ?

Pierre Péan : Cela voudrait dire que quand je fais un livre, j’ai un objectif de pouvoir, ou de bousculer un pouvoir. Je n’ai pas ce type d’ objectif et de toutes façons si je l’avais, les livres que j’ai publiés auparavant m’ont montré que ce serait illusoire. Je peux par contre parler d’espoir, je peux espérer qu’il y ait un débat et qu’il y ait des remises en cause de telle sorte que je retrouve un journal qui corresponde mieux à mes aspirations.

Parutions.com : Vous parlez beaucoup des rôles d’Edwy Plenel et de Jean-Marie Colombani, beaucoup moins de celui d’Alain Minc.

Pierre Péan : Alain Minc est quelqu’un qui joue un rôle très important dans le système Le Monde . C’est un homme très intelligent - même s’il se trompe souvent dans ses prévisions mais ça c’est un autre problème - mais ce n’est pas quelqu’un qui laisse des traces. Alors comme il ne laisse pas de traces et que les gens que j’ai pu voir parlent de façon anonyme, on ne peut pas aller très loin pour décrire l’importance de son rôle.

Parutions.com : Comment peut-on définir son rôle ?

Pierre Péan : Il joue le rôle d’interface entre l’entreprise Le Monde et l’establishment économique et financier et il a amené un certain nombre de gens pour souscrire à un moment donné soit des actions soit des ORA (obligations remboursables en actions). Donc ça c’est clair, jusque là on voit bien. Alors après, la question est : pourquoi les gens acceptent ? Quel est le discours qui se tient ?

Parutions.com : Selon vous, sur quoi repose l’alliance Minc-Colombani-Plenel ? S’agit-il d’une alliance objective ? Ou bien repose-t-elle sur un fondement idéologique ?

Pierre Péan : C’est une alliance objective de pouvoir, cela semble évident.

Parutions.com : Peut-on parler d’une dérive du Monde, vers un rôle de lobbying à la façon des grands quotidiens anglo-saxons ?

Pierre Péan : Ce qui me semble le plus fort dans ce que nous avons trouvé, c’est quand le journal de référence se transforme en lobbyste. Cela me semble être l’élément le plus fort de notre enquête, dont le symbole est que Le Monde émette une facture auprès des NMPP pour son aide à l’obtention d’une subvention gouvernementale (cf. le chapitre « Une facture assez peu confraternelle »). Cette facture résume beaucoup de choses, elle montre que Le Monde a changé. D’un contre-pouvoir il est devenu un pouvoir, avec ses travers et ses abus.

Propos recueillis par Vianney Delourme et Patrick Lienhardt (merci à Emmanuel Bégué et Xavier Blanchot)
( Mis en ligne le 26/02/2003 )
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