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Ne laissons pas mourir la France ! - Gaullisme, souverainisme : correspondances
de Nicolas Dupont-Aignan et Paul-Marie Coûteaux
Albin Michel 2004 /  15 €- 98.25  ffr. / 238 pages
ISBN : 2-226-14217-7
FORMAT : 14x22 cm

On dirait qu’on se disputerait….

Le titre de l’ouvrage et le nom de ses auteurs laissaient peu de doutes quant à l’ouverture du «débat» : la lecture de ce recueil de lettres achèvera de convaincre le lecteur de la faible diversité des questions politiques considérées, ainsi que des réponses qui y sont apportées. Le premier auteur (Paul Marie Coûteaux) est souverainiste, selon sa propre expression, et siège au Parlement européen. Son interlocuteur est sans doute plus connu du grand public, puisque, même sans se sentir particulièrement impliqué dans les discussions qui agitent l’espace qui court de la droite de l’UMP à l’extrême-droite, la candidature de Nicolas Dupont-Aignan à la présidence de l’UMP contre Alain Juppé (au nom du pôle gaulliste du parti) n’avait pas été sans provoquer de médiatiques remous.

Au cours de cette correspondance dans laquelle on s’immisce d’une manière un peu prévisible, on a tout loisir d’admirer l’érudition, la culture historique de ces deux députés. Cependant, il est précisément à craindre dans ces conditions que l’aspect didactique de l’ouvrage ne vienne à en lasser plus d’un : on a peine à croire au naturel de cette correspondance des deux auteurs, et la familiarité à laquelle ils se laissent occasionnellement aller (ils vont «jusqu’à» s’appeler par leurs prénoms…parfois) ne peut suffire à rendre plausible l’illusion d’un dialogue. A moins que ces deux messieurs n’aient naturellement un style vraiment très ampoulé, il nous faut bien considérer que la véracité du débat n’est qu’une hypothèse de départ, posée par pure commodité. Elle eût du moins pu être assumée avec plus de conviction : il ne suffit point de s’exclamer innocemment, à l’avant-dernière lettre, que cette correspondance est tellement intéressante qu’il faudrait la publier, pour que le lecteur soit persuadé que l’idée ne les avait pas effleurés jusque là.

Et si ce défaut de forme est à ce point gênant, c’est bien parce qu’il révèle sur le fond un décalage patent avec l’objectif affiché : il s’agissait de rendre vivante et accessible une certaine vision de la France et de la politique, et pour atteindre ce but de faire émerger par la confrontation de deux pensées différentes un point de vue commun qui pourrait servir de base à une réflexion plus poussée de chacun.
Or certaines réflexions des «correspondants» ont beau être très pertinentes, elles ne sont pas présentées sous un jour particulièrement attirant pour le quidam à qui le livre prétend s’adresser, pour reconstruire un «peuple français» : bien sûr, les alliances qui ont pu être nouées entre François Ier et Soliman le Magnifique sont des événements lourds d’enjeux pour qui peut les interpréter, en en connaissant le contexte. Mais est-il vraiment nécessaire de se lancer dans de telles flâneries historiques quand l’analyse politique qui suit est réduite à la portion congrue ?

Car le problème est bien là : les auteurs ont en réalité bien peu de choses à se dire l’un à l’autre, et de ce fait ils parlent pour un public dont il leur faudrait prendre en main l’instruction. L’aspect argumentatif en est considérablement rogné, pour le plus grand malheur de qui ne partage pas les présupposés idéologiques de P-M Coûteaux et N. Dupont-Aignan. Dialogue entre nostalgiques de l’Etat-nation et l’Etat-nation français en particulier, ces lettres semblent suivre le fil d’une très vieille discussion dont on a oublié l’origine et le sens, mais que l’on reprend de temps à autre pour se conforter dans ses prises de position et se réconforter quand les repères disparaissent un à un. Les auteurs peuvent bien se défendre de promouvoir une conception de la France tournée vers le passé, leur mode même de correspondance rappelle ces discussions mille fois ressassées et dont on refuse de sortir.

D’autant que lorsque l’on en arrive à analyser les propositions et les interprétations qu’ils mettent en avant, la plupart d’entre elles rappellent Ch. Pasqua dans toute sa splendeur et n’ont rien à envier aux diatribes les plus convaincues de Ph. de Villiers. Même si N. Dupont Aignan paraît dans l’ensemble se réclamer plus que son interlocuteur de la tradition républicaine (P-M Coûteaux élargissant très volontiers ses références à d’autres régimes qu’a connus la France), les citations de De Gaulle, le rappel de son action rythment l’ouvrage en alternance avec de vigoureux pamphlets contre l’esprit «soixante-huitard», lequel est responsable de l’actuelle déliquescence de l’Etat à part au moins égale avec la mondialisation. La perte des valeurs traditionnelles (respect des aînés, de l’autorité, patriotisme, etc..) est mise en balance avec un déclin de l’Education nationale qui n’assume plus son rôle - qui consiste avant tout à former des Français conscient de la chance qu’ils ont d’être des élus, vivant dans le plus beau pays du monde, selon les deux auteurs.

Ceux-ci sont bien entendu d’accord sur la quasi-totalité de ces points mais les douze lettres s’enchaînent grâce à des «quiproquos» savamment orchestrés. La recette est simple : il suffit de reprendre une concession de principe effectuée par l’autre (qui a en général démontré lui-même par la suite que cette concession n’était que trop complaisante) et d’en profiter pour enfoncer le clou et prouver que décidément on n’est jamais trop radical dans un projet politique. P-M Coûteaux tout particulièrement se fait une joie d’accuser son interlocuteur de trop de mollesse, et la grande discussion se résume donc à deux alternatives : le terme de gaullisme est-il «périmé», et du souverainisme et du gaullisme lequel doit englober l’autre ? Et : faut-il un «grand soir» souverainiste, et si oui, quand l’organiser ?

Questions à coup sûr pertinentes pour qui partage les opinions politiques des auteurs, mais qui feront probablement regretter aux autres de ne pas s’être arrêtés à leur avis premier : le titre est très révélateur du contenu du livre. Mais cela, on ne peut pas le leur reprocher!

Aurore Lesage
( Mis en ligne le 24/05/2004 )
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