L'actualité du livre
Essais & documentset Questions de société et d'actualité  

Le Guignol et le Magistrat - Sur la liberté d'expression
de Bruno Gaccio et Philippe Bilger
Flammarion 2004 /  19.90 €- 130.35  ffr. / 357 pages
ISBN : 2080686356
FORMAT : 15x24 cm

Rire de tout ?...

Voici un livre d’apparence anodine, simple, s’il ne mettait en scène deux personnalités habituellement «dans l’ombre», l’un, dans celle des Guignols de l’info, qu’il a créés, l’autre, dans celle de la justice qu’il doit requérir, en tant qu'avocat général.

Le thème central de la discussion, la liberté d’expression, laisse place à de nombreuses réflexions sur l’actualité française. P. Bilger a le mérite d’expliquer, dans la première partie, au travers de son regard de professionnel, en quoi consiste la liberté de la presse en France et quels en sont les fondements.

Le problème est que très vite, le débat s’enlise et de «peut-on rire de tout ?» au procès des Guignols, le pas est vite franchi. Ce n’est pas inintéressant, mais l’impression de catalogue est prégnante ; tout y passe : la dépendance des journalistes aux grands groupes qui les dirigent, le livre d’Aussaresses, l’arrivée de Le Pen au deuxième tour en 2002, mais aussi la pornographie et la pédophilie en passant par la presse people ou l’affaire Dieudonné. Des échanges sont tout de même bien sentis, notamment celui sur le rapport au sacré et à la religion, où B. Gaccio force P. Bilger à une véritable maïeutique, que celui-ci refuse néanmoins avant de se réfugier dans quelques bons mots précieusement choisis.

Le livre ne prétend pas être un essai. Heureusement. C’est le dialogue de deux citoyens du monde contemporain. Certes la discussion est parfois longue ou répétitive, mais elle a le mérite d’opposer un soi-disant trublion du monde médiatique à un magistrat supposé conservateur, sur une des libertés fondamentales de la démocratie.

Le passage le plus intéressant, pour ne pas dire instructif, est sans conteste celui où tous deux se retrouvent pour établir qu’il existe actuellement une «dictature du politiquement correct», qui aboutit à une judiciarisation de la société et à un affaiblissement corrélatif de la liberté d’expression… donnant ainsi raison à Pierre Desproges, selon qui «on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui».

Alors simple conversation de café ou essai capital ? Ni l’un ni l’autre. Le thème initial est parfois mis de côté, mais le livre montre simplement la volonté de deux hommes de prouver l’importance d’avoir un avis sur le monde qui les entoure, dans une société qui ne penserait plus et se laisserait aveuglement guider sans plus réfléchir à quoi que ce soit.

Xavier Jégard
( Mis en ligne le 29/10/2004 )
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