L'actualité du livre
Essais & documentset Biographies  

Georges Marchais - l'inconnu du Parti communiste français
de Thomas Hofnung
Archipel 2001 /  21.53 €- 141.02  ffr. / 484 pages
ISBN : 2-84187-319-6
FORMAT : 154x240

Marchais, cet inconnu

Le sous-titre de cet essai, présenté comme la première "biographie-vérité" sur Georges Marchais, surprendra. Inconnu, celui qui fut, aux côtés de François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, l'un des monstres sacrés de la vie politique française du dernier quart du XXe siècle ?
On serait tenté de corriger : indésirable. Il suffit de voir avec quelle rapidité les camarades ont relégué, sinon aux oubliettes, du moins au purgatoire, l’ancien secrétaire général. Sous son règne, le vote communiste n'a-t-il pas enregistré ses plus mauvais scores depuis la Seconde Guerre mondiale ? Sa loyauté immarcescible au grand frère soviétique n'a-t-elle pas contribué à discréditer lourdement le parti au moment où il cherchait un deuxième souffle ?

Les témoignages recueillis par Thomas Hofnung sont, sur ce point, unanimes. Oui, la clairvoyance n'était pas la qualité principale de Marchais ; oui, sa brutalité politique allait de pair avec un égocentrisme difficilement supportable ; et son conservatisme a fait grincer bien des dents place du Colonel-Fabien.

Mais l'auteur rappelle aussi que, à sa prise de fonction en 1970, le successeur de Waldeck Rochet incarna un certain renouveau du PCF ; que sa gouaille, son profil de "prolétaire" parisien fit beaucoup pour l'existence médiatique du Parti ; et que, en précurseur, il sut à sa façon, disons "rabelaisienne", utiliser les médias pour faire passer son message.

Cette biographie pose, au fond, une question simple : comment le Marchais des années 80 a-t-il pu définitivement occulter celui des années 70 ?
Deux traumatismes majeurs ont suffi, survenus au début de 1980, l'annus horribilis : sa prise de position en faveur de l'invasion de l'Afghanistan par les troupes russes et "l'affaire du STO". Quelques apparatchiks du Parti, exclus ou tombés en disgrâce, avaient déjà laissé filtrer que le dirigeant du "parti des 75 000 fusillés" avait contribué en Allemagne à l’effort de guerre d’Hitler, dans les usines Messerschmitt. En mars 1980, Jean-François Revel met le feu aux poudres dans les colonnes de l'Express. Vingt ans plus tard, le soupçon demeure...

Complexe, ambigu, le personnage de Marchais révèle, au fil des pages, une épaisseur insoupçonnée. Fut-il un réformateur contrarié ou un pantin téléguidé depuis le Kremlin ? A-t-il précipité le déclin de son parti ou, au contraire, contribué à le sauver du naufrage qu’annonçait la chute du Mur ? Comment a-t-il manœuvré pour se maintenir à son poste malgré une série impressionnante d’échecs électoraux et de revirements tactiques ?

Autant d'interrogations auxquelles Thomas Hofnung se garde bien d'apporter des réponses définitives. Il lance des pistes, suggère, nuance, et livre une somme d'informations impressionnante sur les coulisses du PCF entre 1970 et 1990. Pour la biographie "définitive", on attendra que se lèvent les nombreuses réticences rencontrées par l'auteur tout au long de son enquête et dont les "Remerciements" en fin de volume laissent deviner l'ampleur (notamment de la part de Jean-Pierre Elkabbach qui semble, enfin, s'être rendu à l'injonction fameuse de son plus pugnace interviewé). Le "dossier Marchais" n'a sans doute pas encore livré tous ses secrets...

Jean Levasseur
( Mis en ligne le 26/08/2001 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)