Essais & documents Biographies |
Hergé, fils de Tintin de Benoît Peeters Flammarion - Grandes biographies 2002 / 22 €- 144.1 ffr. / 511 pages ISBN : 2082100421 Le père prodige Pourquoi écrire une nouvelle biographie d'Hergé ? Sachant que l'éditeur s'appelle Flammarion (soit le propriétaire de Casterman), et que par un réflexe pavlovien les marchands de livres imposent les biographies en tête de gondole, la réponse est vite trouvée. Alors pourquoi lire celle-ci ? Elle offre déjà le mérite d'être bien mieux écrite que celles qui l'ont précédée : Benoît Peeters n'est pas de ces auteurs à points de suspension et d'exclamation qui encombrent ce genre à succès. Pas plus qu'il ne verse dans ce travers anglo-saxon de la reconstruction minutée de la vie de son héros : vous ne saurez pas ce que pensait le petit Georges Remi en écoutant chanter sa tante à l'heure du thé. Evidemment Peeters ne pouvait guère songer à concurrencer Assouline (Hergé, 1996), pas plus que Van Opstal (Tracé RG,1998), sur le plan de l'érudition, d'où un retournement de la perspective biographique traditionnelle : le créateur est ici suivi à travers le succès grandissant de son oeuvre. Refusant dans son introduction la logique positiviste - quelles sont les conditionnements de l'oeuvre ? - tout comme l'idéalisme proustien du Contre Sainte-Beuve - l'indépendance absolue de la création artistique - il s'attache à montrer l'emprise de Tintin sur la vie de son père. Les ambiguïtés politiques durant l'Occupation sont du coup nettement moins développées, et à juste titre, que dans l'ouvrage d'Assouline. Pour autant le titre (Hergé, fils de Tintin) ne conduit pas non plus à une nouvelle lecture psychanalytique (qu'autoriserait la propre quête d'Hergé à partir de la fin des années 40) : les origines mystérieuses du père d'Hergé, ou la démence de sa mère à la fin de sa vie ne sont évoqués que pour mémoire. De façon plus regrettable le problème de l'absence d'enfant, qui semble crucial dans la psychologie du père de Tintin, n'est qu'effleuré (Hergé aurait été malencontreusement stérilisé par un traitement médical). Pour Peeters, le coeur de l'explication de la vie de son héros est plutôt à chercher dans la dépression qui l'assaille à partir de 1947. En ressort l'image triste et classique d'un quinquagénaire découvrant qu'il a fait le tour d'une activité professionnelle qui a absorbé les trente dernières années de sa vie. Il n'y a pas de révélations scandaleuses, politiques ou sexuelles, dans le livre de Peeters, pas plus qu'on y trouverait un historique de la gestion controversée et judiciarisée de l'oeuvre de Hergé après sa mort : ce n'était, après tout, peut-être pas dans le sujet. Reste une biographie tout empreinte des qualités du récit hergéen : clarté, rigueur et fluidité. Avec aussi, comme dans les aventures de Tintin, le sentiment inévitable de déjà lu. Nicolas Balaresque ( Mis en ligne le 24/11/2002 ) |
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024 www.parutions.com (fermer cette fenêtre) |