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Jean Seberg - Portrait français
de Maurice Guichard
Jacob-Duvernet 2008 /  19.90 €- 130.35  ffr. / 267 pages
ISBN : 978-2-84724-194-5
FORMAT : 16cm x 24cm

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

Star oubliée

«Je la croisai un soir dans un restaurant parisien à la fin des années 70. Elle me sourit fixement sans me reconnaître. Elle ressemblait à une morte à qui on n’aurait pas fermé les yeux. Un sourire sans destinataire. Le regard sans objet» (Carlos Fuentes, Diane ou la chasseresse solitaire).


Après des années de silence éditorial, voici que deux biographies paraissent simultanément sur l’actrice américaine Jean Seberg (1938-1979). La première, de Jean-Lou Alexandre, dresse un panorama assez solide sur la carrière de l’artiste avec un certain nombre de documents intéressants. Celle-ci, au format plus classique, retrace de manière sérieuse la vie mouvementée et tragique de l’icône de la Nouvelle vague, même si l'on aurait aimé l'enquête plus complète.

Comme le signale Maurice Guichard, il n’est pas écrivain et n’a pas connu Jean Seberg malgré son admiration et une rencontre inopportune dans un jardin public un jour de 1979, quelques mois avant qu’on ne la retrouve sur le siège arrière de sa voiture, gisant sous une couverture. Sur son suicide (relayé en assassinat par son ex-mari, l’écrivain Romain Gary), on n’apprend pas grand-chose de ce que l’on savait déjà depuis trente ans. Du coup, et même si l’ouvrage se lit avec plaisir et nostalgie, on aurait aimé davantage d’informations, d’analyses de ses films et de trouvailles biographiques réelles.

Inutile de revenir sur le passé de la comédienne, de ses deux rôles consécutifs chez Preminger, puis chez Godard, qui la lancèrent aux États-Unis puis en Europe où elle se fixa à Paris. Pas besoin non plus d’identifier les quelques hommes plus ou moins célèbres avec lesquels elle a vécu, on sait cela. Mais à la lecture, on remarque une chose. Si Seberg n’avait plus à convaincre personne de son talent d’actrice ni de sa détermination à travailler dans ce sens, on regrette sa triste filmographie, jalonnée de films plus mauvais les uns que les autres, y compris ceux de son mari Romain Gary. Pas de chef d’œuvre dans sa carrière, n’en déplaise à ceux qui considèrent les deux Preminger et le Godard ainsi ! Reste fort heureusement une dizaine de films non négligeables où l'on prend souvent plaisir à la regarder jouer, avec son accent inimitable et sa frimousse de starlette.

Guichard, malgré sa démarche de réhabilitation, passe trop vite sur les faits marquants de la vie de Seberg. Sur Paint your Wagon ou sur Macho Callahan où elle a tout de même fréquenté Carlos Fuentes qui tira de cette rencontre  un livre bouleversant : Diane ou la chasseresse solitaire (1996). Sur L’Attentat de Boisset (1973) et Les Hautes solitudes de Garrel (1974) où elle joue son dernier rôle véritablement marquant, les anecdotes sont vite expédiées. Même si certaines précisions sur son activité de militante auprès des Black Panthers renseignent un minimum, le livre souffre de ne pas proposer d'informations plus signifiantes. Entre l'overdose de détails sensés nourrir une biographie (reçu d’un hôtel retrouvé, etc.) et l'excès d’ellipses sur l’existence d’un artiste, il faut trouver un juste milieu que Guichard n’a pas su appréhender. Et même lorsqu’il dit avoir rencontré des personnes ayant été proches de l’actrice, il ne les cite pas, même s’il a dû réutiliser leurs dires.

Sur l’état mental de l’actrice durant la décennie 70, il joue à imaginer ses pensées, ses angoisses et ses idées alors qu’il ne semble pas y avoir de preuves concrètes sur tout cela. D’où un sentiment de répétition et un manque de sources fiables.

On connaît la destinée tragique de Jean Seberg, actrice somptueuse emportée par le mal-être, engagée dans des luttes politiques parfois extrêmes, fascinée par les écrivains et les révolutionnaires. De films à petits budgets en maisons de repos où elle tentait de reprendre goût à la vie, elle a traversé les années 70 pour y mourir un soir d’août 1979, à 41 ans. Déjà, dans sa jeunesse, on remarquait la fragilité de l’actrice, ses emportements, ses souffrances liées à une extrême sensibilité et à un caractère franc. Met-on vingt années à se suicider quand l’idée vient vous terrasser à 18 ans, sachant qu’on ne dépassera pas la quarantaine, comme elle se plaisait à le dire ? En tous les cas, Jean Seberg, morte dans des conditions d’extrême désœuvrement, n’a pu trouver de réponses à sa neurasthénie. Ni la présence de son fils, ni Gary, ni Fuentes, personne n’était là pour empêcher qu’elle ne meure seule dans une voiture un soir d’été. Comme s’il était inéluctable que la jeune femme finisse ainsi, en chemise de nuit, sous une couverture, à l’arrière de sa voiture, avec huit grammes d’alcool dans le sang, portant dans sa main fermée un dernier mot pour son fils de 16 ans.

Un livre à conseiller aux profanes, histoire d’identifier le parcours atypique d’une femme courageuse, séductrice et douée, que le talent et la beauté n’ont pas sauvée d’une déchéance certaine. Pour les autres, il serait urgent de rééditer la biographie de David Richards, Jean Seberg, une vie, écrite en 1981.

Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 16/01/2009 )
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