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Flore et végétation du Sahara
de Paul Ozenda
CNRS éditions 2004 /  44 €- 288.2  ffr. / 662 pages
ISBN : 2-271-06230-6
FORMAT : 16x24 cm

Troisième édition.

L'auteur du compte rendu : Ingénieur agronome diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Rennes, Frédéric Suffert est chercheur à l'Institut National de la Recherche Agronomique depuis 2000. Spécialiste en épidémiologie végétale et protection des cultures contre les maladies telluriques, il prépare actuellement une thèse de doctorat en formation continue.


Une bible dépoussiérée

Ce livre est la troisième édition, mise à jour et augmentée en 1991, de l'ouvrage de référence publié par Paul Ozenda en 1977 et consacré à la végétation du Sahara. Cet ouvrage unique, synthétisant de très nombreuses années de recherches, constitue l'une des rares vues d'ensemble disponibles à ce jour sur le peuplement végétal du Sahara. On pourrait être tenté de qualifier cette troisième édition de "dépoussiérage", léger mais utile. Il s'agit réellement d'une mise à jour sur une flore déjà exceptionnelle, une des plus complètes qui aient été écrites à ce jour sur la végétation saharienne.

Paul Ozenda, membre de l'Académie des sciences et ancien président de la Société française d'écologie, a été professeur à l'Université d'Alger, puis à l'Université de Grenoble, dont il a dirigé le Laboratoire de biologie végétale, où il est toujours professeur émérite. Il est l'auteur de nombreux autres ouvrage de botanique, science de "terrain", intégrant néanmoins de nombreux concepts d'écologie végétale et de biogéographie. A l'actif de Paul Ozenda, Perspectives pour une géobiologie des montagnes, une autre référence qui a fait date, est un ouvrage synthétisant 40 ans de recherches sur le peuplement végétal des montagnes de l'hémisphère nord tempéré.

Bien qu'imposant, et forcément encombrant, Flore et végétation du Sahara n'en est pas moins "la" référence à emporter sur place pour peu que l'on ait la fibre botanique et un bon sac à dos... L'ouvrage comprend les clés de détermination de près d'un millier d'espèces, représentées en demi-grandeur, mais aussi une importante partie générale dont les chapitres traitent des écosystèmes constitués par les végétaux désertiques. Brillamment illustrée par des dessins au trait facilitant l'identification des plantes, la partie analytique de la flore s'accompagne de descriptions écrites très sérieuses. Aucune monographie de plante n'est déconnectée du terrain, du milieu, de références écologiques et géographiques. Il est nécessaire de connaître quelques-uns des principaux termes techniques de botanique, bien que peu envahissants dans cette flore, pour apprécier à sa juste valeur les potentialités de la clef de détermination. Aussi, le lecteur ayant oublié ce que sont pétioles, glumes ou épillets devra-t-il parfaire ses connaissances et réviser un peu quelques notions de base. Une clé abrégée des familles, formée de 8 groupes construits autour des caractères facilement observables, permet une identification rapide. En cas d'insuccès, une clé générale des familles, plus formelle et exhaustive, est proposée.

Mais cet ouvrage dépasse le simple objectif de la détermination des espèces et permet d'accéder à travers l'étude floristique à une connaissance de l'écologie des plantes désertiques, de la couverture végétale qu'elles constituent, des indications qu'elles donnent sur les potentialités du milieu et plus particulièrement dans les marges subarides où le processus de désertification n'est pas encore irréversible. Le livre comporte notamment une très bonne introduction sur le milieu saharien. Paul Ozenda a toujours été conscient du fait qu'à l'échelle mondiale le problème des terres arides justifiait un dépassement des seuls aspects botaniques, et a souhaité que son livre soit davantage qu'une flore. La maigre introduction à la botanique saharienne de la première édition, qui avait été doublée lors de la seconde, occupe désormais les 100 premières pages. Dans la refonte, l'accent a en effet été mis sur l'écologie des peuplements de milieux arides, sur les caractéristiques et les concepts inhérents à ce type de végétation : les contraintes liées au désert et l'adaptation à la sécheresse, les caractéristiques pédologiques du Sahara, les contraintes biologiques, la dissémination, la notion d'endémisme, l'acclimatation des végétaux, les plantes et l'homme, les cultures… Certains chapitres favorisent désormais les comparaisons avec d'autres régions désertiques. Un spécialiste pourra toujours reprocher l'absence de concepts plus récents d'écologie et de dynamique des populations, appliqués à la végétation du Sahara. Mais en bonne héritière des première et seconde éditions, cette troisième version est toujours une véritable flore, basée sur une clé de détermination et une partie analytique robuste. La partie générale est un plus.

Pour des raisons présentées comme "techniques", l'auteur a renoncé à une refonte totale des deux dernières éditions. Ainsi, la partie consacrée aux apports de la troisième édition figure malheureusement à la fin de l'ouvrage et apparaît comme un "supplément", alors qu'elle aurait pu être développée en tant que véritable "complément". La critique est justifiée en ce qui concerne le supplément à la partie introductive générale : les éléments nouveaux et les avancées scientifiques présentées pour la troisième édition auraient pu être à l'origine d'une refonte totale de la présentation du milieu désertique et de la végétation du Sahara, sans pour autant dénaturer l'esprit de la première édition et affecter le caractère original de la flore. D'autant que ces compléments, qui n'ont eux-mêmes pas été mêlés à ceux de la seconde édition, contraignent le lecteur à de multiples retours en fin d'ouvrage. Si cette organisation ne nuit pas à la partie analytique de la flore, la partie générale consacrée à la végétation et au milieu manque parfois de cohérence.

Même si la seconde édition de l'ouvrage ne méritait qu'un simple dépoussiérage - tellement la qualité était déjà au rendez vous ! - nous sommes en droit de regretter que cette troisième édition puisse être décrite comme autre chose qu'une simple réimpression commentée. Ce ne sont pas les dernières pages, malgré l'intérêt de leur contenu, qui laissent penser que l'ouvrage a été véritablement refondu : tout juste complété, mais de façon parfois décousue dans la forme. Le temps des multiples collaborations nouées par Paul Ozenda lorsqu'il exerçait semble bien révolu. Cette dernière édition de Flore et végétation du Sahara est donc bien une "bible dépoussiérée" : œuvre incontestée et incontestable, parce que faisant office de référence par son importance et sa qualité, mais aussi faute d'un renouveau des sciences botaniques, dont la forme du livre témoigne cruellement.

Frédéric Suffert
( Mis en ligne le 05/06/2004 )
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