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La Revanche de Gaïa - Pourquoi la Terre riposte-t-elle ?
de James Lovelock
Flammarion - Nouvelle Bibliothèque scientifique 2007 /  22 €- 144.1  ffr. / 297 pages
ISBN : 978-2-08-210588-0
FORMAT : 13,5cm x 22,0cm

Traduction de Thierry Piélat.

L’auteur du compte rendu : Rémi Luglia, professeur agrégé d’Histoire et interrogateur en deuxième année dans une classe préparatoire commerciale, est doctorant à Sciences-Po Paris où il mène une recherche sur l’histoire de la protection de la nature en France de 1854 à nos jours à travers le mouvement associatif.


L’essai incorrect d’un pape de l’écologie

La renommée de James Lovelock est immense dans les milieux écologistes depuis qu’il a lancé son «hypothèse Gaïa». Celle-ci, qui assimile la Terre à un écosystème - certains ont dit un être vivant - a fait en son temps l’effet d’un énorme pavé dans la mare de l’idéologie d’une croissance infinie. Les remous continuent d’ailleurs de se faire ressentir. Taxé de tous les maux par nombre de ses collègues scientifiques, James Lovelock a tout de même réussi à convaincre de plus en plus de monde. Peu nombreux sont ceux qui refusent désormais de percevoir la Terre comme un espace fini et global ; un système dont toutes les composantes forment un équilibre. Une modification ponctuelle d’un des éléments de cet équilibre affecte l’ensemble du système. C’est ce que l’on a bien perçu avec le nuage de Tchernobyl ou avec le nuage de poussière de l’explosion du Tambora au XIXe siècle. Par cette prise de conscience de la finitude de ce système et de la pertinence d’une certaine dose d’holisme, James Lovelock a profondément marqué son époque et des générations de militants écologistes. On comprend mieux l’intérêt que suscite son nouvel ouvrage, dont le bandeau «écologiquement incorrect» s’avère un produit d’appel formidable quoique non exagéré.

Cette fois-ci, c’est la «revanche de Gaïa» qui le passionne. Son idée de départ est simple : la Terre conserve la vie à sa surface parce qu’elle s’est dotée d’un système d’autorégulation dont la finalité est de maintenir les conditions nécessaires à celle-ci. Elle est donc insérée dans une perpétuelle recherche d’équilibres, certains étant plus stables que d’autres. C’est le cas par exemple des phases glaciaires. Or, par les perturbations brutales qu’il engendre depuis quelques 200 ans principalement, l’homme est en train de rendre inopérant, parce que dépassé quantitativement et temporellement, ce système d’autorégulation. Deux scénarios possibles : l’impossibilité pour Gaïa de se rétablir et donc de maintenir les conditions nécessaires à la vie provoquerait la fin à moyenne échéance de l’écosystème ; ou bien, le système parvient à retrouver un nouvel équilibre mais il n’aura rien de commun avec celui dont on bénéficie, ce qui signifie des extinctions massives d’espèces, dont la nôtre. Gageons que quelques organismes plus résistants que nous survivront et amorceront une nouvelle phase de vie…

La solution est claire et unique pour James Lovelock : la décroissance : réduire les impacts de l’homme par une diminution drastique de sa population et un repli économique. En bref, l’exact inverse de ce que propose désormais Claude Allègre : poursuivre la croissance actuelle sur le modèle de développement des pays riches et s’adapter par la technologie aux modifications qui ne manqueront pas de se produire !

Ce qui va décoiffer certains écologistes dans La Revanche de Gaïa est la condamnation sans appel de James Lovelock pour de nombreuses idées ou dispositions généralement considérées comme pleinement écologistes. Ainsi, il prend sans ambiguïté parti contre le biocarburant, contre la généralisation et l’illusion des énergies dites renouvelables (éoliennes, hydrauliques, solaire, …), incapables de répondre aux besoins de l’humanité autrement que ponctuellement. Il réhabilite une certaine utilisation de la chimie dans l’agriculture. Il milite surtout clairement en faveur de la poursuite et de l’extension de l’énergie nucléaire, suprême injure pour de nombreux groupes écologistes. Sa conception est limpide : il y a des urgences et il ne faut pas se fourvoyer dans des combats non essentiels et contreproductifs au surplus. D’autant que bien souvent les idées reçues sont légions et les craintes tiennent plus de la phobie et de la désinformation que de la raison. On conçoit aisément ce que cet ouvrage peut avoir de subversif !

Il suscite en tout cas le débat et y contribue de manière parfaitement justifiée parce que James Lovelock prend soin à chaque fois de développer son argumentation et de l’étayer par des éléments précis. Que l’on adhère à ces propositions et critiques ou que l’on s’y oppose, l’exposé est intelligent et la réflexion, stimulée.

Rémi Luglia
( Mis en ligne le 18/05/2007 )
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