L'actualité du livre
Rayon gay & lesbienet Littérature  

Splendeur
de Margaret Mazzantini
Robert Laffont - Pavillons 2017 /  21,50 €- 140.83  ffr. / 410 pages
ISBN : 978-2-221-15699-5
FORMAT : 13,5 cm × 21,6 cm

Delphine Gachet (Traduction)

Amour absolu

La vie de Guido, le narrateur, se révèle avec une douloureuse épiphanie : il aime Costantino. Guido, fils d’un dermatologue et d’une architecte fantasque, occupe un étage noble du même immeuble où Costantino vit à l’entresol et ses parents sont concierges.

Ce récit, qui débute dans les années 80, concerne deux enfants, deux adolescents puis deux hommes attachés mutuellement, deux incroyables destins. L’un est éclectique et inquiet, l’autre rustre et charnel. Leur identité est fragmentée et doit être recomposée comme les tesselles d’une mosaïque lancées dans le vide. Ils se séparent, Guido part vivre à Londres, flirte avec les drogues dans le milieu underground, puis épouse Izumi et devient professeur d’histoire de l’art dans une petite université. Malgré ces nouveaux liens, le besoin de l’autre résiste à cet abandon qui les renvoie à eux-mêmes dans les lieux où ils ont appris l’amour, fragile et viril, tragique comme un refus, ambitieux comme le désir. 

«Et mon nom prononcé par lui avec sa voix enrouée et profonde, mon nom qui naissait de son ventre et passait à travers sa gorge était le plus beau du monde, redonnait courage à ma misérable personne, glissait en moi, et me conférait un lieu, un temps et une origine certaine» (p.113). L’attraction physique de la jeunesse se transforme en amour absolu, le drame existentiel et humain apparaît, les deux hommes n’appartenant pas du tout à la même classe sociale.

Ensemble, ils vivent ce sentiment avec une culpabilité qui les relègue aux marges de la société. Leur drame est qu’ils transgressent leurs principes moraux. A cette époque, l’homosexualité est encore vécue comme un péché, surtout en Italie, et doit être dissimulée... d’où une vie apparemment respectable et estimée pour consumer dans l’ombre un amour clandestin ressenti comme un outrage au monde alentour.

Dans son récit, Guido décrit très bien l’évolution de leur sentiment, avec entre les lignes la culpabilité, la honte de chaque instant jusqu’au point de non retour quand c’est la transgression qui alimente le sexe et non l’amour. La problématique des deux personnages semble accentuée par la stérilité de Guido et la paternité malheureuse de Costantino. Leur vie ne semble pas destinée à se perpétuer, comme une tacite condamnation.

Le même concept de diversité doit être appliqué à la sphère sexuelle, ethnique et physique, malgré la longueur et la douleur de parcours semés d’embûches et de jugements négatifs. Le nouveau roman de Margaret Mazzantini, auteur italo-irlandaise, traduit de l’italien, réussit à abattre les barrières que chaque personne se construit et va au coeur des êtres pour montrer des sentiments vivants quoique silencieux. L'écriture, à la fois incisive et lyrique, nous fait connaître et comprendre l’âme humaine. On peut penser à Pasolini... sans le soufre.

Eliane Mazerm
( Mis en ligne le 18/01/2017 )
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