L'actualité du livre
Musique Classique &Opéraet Récitals interprète  

Vengerov & Virtuosi
Sergei Rachmaninov (1873-1943)
Johannes Brahms (1833-1897)
Antonin Dvorák (1841-1904)
Franz Schubert (1797-1828)
Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893)
Aram Khatchaturian (1903-1978)
Jules Massenet (1842-1912)
Manuel Ponce (1882-1948)
Ottokar Novácek (1866-1900)
Antonio Bazzani (1818-1897)
Vittorio Monti (1868-1922)
Maxim Vengerov ( violon )
 I Virtuosi ( ensemble de violons )
Vag Papian ( piano )

EMI / EMI 2002   
TT :  69 mn.
7243 5 57164 2 2
1 CD
Rachmaninov :Vocalise
Ponce : Estrellita
Brahms : Danses hongroises n° 7, 1 et 5
Novácek : Perpetuum mobile
Dvorák : Humoresque n° 7
Schubert : Ave Maria
Tchaïkovski : Souvenir d'un lieu cher
Bazzani : Ronde des lutins
Khatchaturian : Danse du sabre
Massenet : Méditation de Thaïs
Monti : Csárdás


Enregistrement : (live) avril 2001. Stéréo DDD. Prise de son nimbée.
Notice (français, anglais, allemand) correcte.


En 1993, Maxim Vengerov enregistrait pour la firme Teldec un pot-pourri intitulé Virtuoso Vengerov. Cet élève du grand Zakhar Bron avait alors dix-neuf ans et, presque simultanément, sa version des concertos de Mendelssohn et Bruch, avec Kurt Masur, passait un salutaire coup de chiffon sur une discographie où régnaient encore les Stern, Menuhin, Milstein, Oïstrakh et, plus proches, les Perlman, Kremer, Mintz. Son jeu – net, coupant, vif-argent – faisait honneur à l'ère du numérique et des prises de son hyper-réalistes. Son ton direct, sa finesse d'exécution, son assurance transformaient chacune des mignardes aquarelles soumises à son archet en vigoureuse eau-forte.

Depuis, Vengerov a été rejoint par d'autres « jeunes pousses » : Shaham, Repin, Zimmermann, Ehnes… Il a acquis un statut de star internationale qui, loin de lui donner les coudées franches, l'oblige au contraire à certaines concessions vis-à-vis du « grand public ». Un certain André Rieu est passé par-là et donne des nausées aux majors du classique pur et dur. D'où le concept bâtard de ce Vengerov & Virtuosi qui consiste à marcher d’un air supérieur sur les plates-bandes dudit écorche-crin batave.

C'est le combat du siècle : dans une compilation d'arrangements Harlequin (osés par Mikhaïl Parhamovsky) que ne renierait pas le Bruel du violon-poubelle (adieu les Messiaen ou Bloch du programme Teldec !), l'un des plus grands violonistes de notre époque relève le gant (sans toutefois le brandir fièrement). Pour faire bonne mesure, il s'est adjoint un pool de onze violonistes israéliens à l'unisson dans le rôle de la tapisserie Saint-Maclou, qui se présentent comme une résurrection des Persimfans (l'orchestre sans chef voulu par Staline), mais semblent plutôt sortis des couloirs du métro de Jérusalem. L'os, c'est qu'aucun de ces musiciens n'est franchement irresponsable et n'ose le racolage effronté. Le sirop est très largement coupé d'eau et donne à l'ensemble une teinte uniformément pastel. Résultat : un catoblépas à tête de virtuose et corps de Rondo Veneziano, l'un l'autre inhibés dans une dialectique d'intimidation et d'anesthésie. Dans le livret, Vengerov jure ses grands dieux qu'il est seul coupable de ce séduisant concept, où on le découvre tristement assagi et prudent. Même dans les pièces les plus exigeantes – Novácek, Bazzini, Khatchaturian… –, il peine à se débarrasser des gazes et voilages qui brouillent ses gestes et l'obligent à adopter des tempos exagérément lents. Que dire, alors, de l'Ave Maria de Schubert, de la Vocalise de Rachmaninov, de la Méditation de Massenet (hideusement arrangée), qui devraient faire fureur dans les ascenseurs et les maisons de repos...

Entendons-nous : Vengerov reste un immense interprète, techniquement génial (Ronde des lutins de Bazzini, Csárdás de Monti…). Mais jusqu'où le poussera-t-on pour répondre à la soif d'easy classic listening ? « Vengerov joue les standards de la pub » ? « Vengerov plays Abba » ? Touchons du bois.

Olivier Philipponnat
( Mis en ligne le 21/01/2002 )
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