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Documentaireset Historique  


Citizen Malraux
de René-Jean  Bouyer
Montparnasse 2009 /  3.05 € - 19.99  ffr.
Durée film 115 mn.
Classification : Tous publics
Année de production, Pays : 2008, France

Version : 1 DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 16/9 (couleurs et noir & blanc)
Format audio : Français (stéréo et mono)
Sous-titres : Sans

Bonus :
Hommage d’André Malraux à Jean Moulin (4 mn)

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.


Cela fait pas mal de temps que l'on n'a pas eu un personnage de stature imposante à la tête d'un ministère de la culture. Que l'on aime ou pas André Malraux, que l'on soit d'accord ou non avec ses idées, il est difficile de ne pas reconnaître son charisme et l'ampleur de son œuvre.

Le film de René-Jean Bouyer est axé en grande partie sur le mystère d'André Malraux, homme qui ne voulait jamais rien révéler de lui-même. Un vrai défi à notre époque où tout doit être si transparent, où la vie privée empiète sans arrêt sur la vie publique ! André Malraux ne s’est jamais cru lié par les dogmes. Agnostique, il a consacré son énergie à l’art, dans l'idée d'un musée imaginaire qui arracherait les œuvres d’art à leurs fonctions traditionnelles. C'est sans doute là ce qui fit la grandeur de l’homme.

Cela dit, quel parcours étonnant et romanesque ! André Malraux, né à Paris en 1901, passe son enfance avec sa mère, sa grand-mère et une tante épicière à Bondy dont il ne garde pas de bons souvenirs (Antimémoires). À 14 ans, il entre à l'école supérieure de la rue Turbigo. N'ayant pas obtenu son baccalauréat, il fréquente les milieux artistiques de la capitale et publie ses premiers textes dès 1920. C'est aussi l'époque où il joue au Père Ubu et lit Alfred Jarry. Il s'en souviendra après 1948, en adhérant au Collège de Pataphysique. En 1921, il se marie avec Clara Goldschmidt, et part en Indochine pour y voler des statues et les revendre. Le 23 décembre 1923, il est arrêté à Phnom Penh. Il est condamné, en juillet 1924, à trois ans de prison ferme, et son ami Louis, à un an et demi. Clara mobilise en faveur de son mari les intellectuels de l'époque (Louis Aragon, André Breton, François Mauriac, André Gide). En appel, la peine de Malraux est réduite à un an avec sursis. En 1930, il publie La Voie royale, La Condition humaine. Dès 1933, il milite contre le fascisme et le nazisme, puis rejoint les républicains espagnols à partir de 1936. Après s'être inspiré de son combat pour écrire le roman L'Espoir, il tourne le film Espoir, et s'engage en 1939, à la déclaration de guerre.

En 1943, il s'installe avec Josette Clotis à Saint-Chamant (Corrèze). Un second fils naît, Vincent. Il a ses premiers contacts avec la Résistance. Fin mars 1944, ses deux demi-frères, agents du SOE, ayant été arrêtés et tués par les Allemands, André entre en résistance. George Hiller le met en rapport avec les groupes Vény du Lot. Malraux installe son PC dans le maquis, circule dans plusieurs départements, y rencontre les principaux chefs de la Résistance. Dès 1945, il s’attache à la personne du Général de Gaulle, dans le gouvernement duquel il est ministre de la propagande et ministre de l'Information, et le suit dans l'aventure du RPF, où il s'occupe de la propagande entre 1947 et 1954. Il sera sous la Ve République ministre de la Culture de 1959 à 1969.

Là, il mêle politique de prestige et œuvre sociale. Renouant avec l'esprit du Front populaire, il fait de la culture une affaire administrée par l’État et crée les "Maisons de la Culture". Malraux fait rayonner la culture française dans le monde, fait plusieurs commandes célèbres (commandes du plafond de l’Odéon à André Masson, du plafond de l’Opéra de Paris à Marc Chagall), entreprend de grands travaux (restauration du château de Versailles, ravalement des grands monuments de Paris). On lui doit notamment le système "d'avance sur recettes" (décret de juin 1959). Cette administration étatique de l’art a néanmoins été jugée par l'historien Marc Fumaroli comme l'enterrement de la culture française. Dans le cadre de la célébration du 20e anniversaire de sa mort, les cendres de Malraux ont été transférées au Panthéon en 1996.

Ce documentaire s'attache d'une façon tout à fait classique à la biographie d'André Malraux, retraçant pas à pas la carrière de l'intellectuel et de l'homme politique en accumulant témoignages, documents d'archives et commentaires. Le spectateur navigue ainsi entre la vérité et le mensonge, la discrétion et le lyrisme (rappelons-nous sa voix et ses discours !), la fascination et le détachement, l'image et la réalité, la sphère publique et la sphère privée. Il a rencontré les grandes personnalités du monde politique (Mao Zedong, John F. Kennedy, Jawaharlal Nehru, De Gaulle, etc.) et poursuivi un dialogue avec les grands artistes et intellectuels de son temps : Pablo Picasso, Marc Chagall, Georges Braque, Fernand Léger, Jean Cocteau, André Gide, Max Jacob, Pierre Reverdy... L'ambition nourrissait, avec la mythomanie, le succès de sa carrière.

Le film est un échec et une réussite, car, se heurtant à l'énigme Malraux, explorant ce qu'il a bien voulu laisser apparaître et affrontant qu'il a bien voulu cacher, au final, nous n'en savons pas plus.

Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 09/01/2009 )
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