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Le continent noir, entre beauté et malaise
de Raymond Depardon
Arte Vidéo 2006 /  3.51 € - 23 ffr.
Durée DVD 190 mn.
Durée film 165 mn.
Classification : Tous publics
Sortie Cinéma, Pays : 1996, France.

Version : française, Standard PAL – toutes zones
Format vidéo : 1.33
Format image : Ecran 4/3
Format audio : Son dolby digital stéréo

Bonus :
- Un entretien avec Raymond Depardon (18 min).


Dans Afriques, comment ça va avec la douleur ?, Raymond Depardon nous invite au voyage dans une Afrique qu’il parcourt du sud au nord, de l’Afrique du Sud à l’Egypte, en passant par l’Angola, le Rwanda, l’Ethiopie, la Somalie, le Soudan, le Tchad et le Niger, avant de se poser dans la ferme de son enfance, à Villefranche-sur-Saône. Se plaçant, sans modestie, dans les pas de Leiris et de son Afrique fantôme, ou du Voyage au Congo d’André Gide, le réalisateur nous livre ses carnets d’Afrique, journal filmé seul au cours de plusieurs voyages menés de 1993 à 1996. Interpellant le spectateur, il nous propose de partager ses chroniques des petites douleurs ordinaires de l’Afrique.

Le dispositif filmique est similaire tout au long du voyage. Depardon commence par planter sa caméra sur un pied muni d’un mécanisme qui lui permet d’effectuer un tour de 360 degrés. Sur le plan séquence circulaire, long, lent, sa voix off vient situer le lieu de tournage et offrir quelques pages de son carnet. Il procède ensuite par plans séquences, fixes ou caméra à l’épaule, nous laissant alors souvent seuls avec l’image, les paroles, les bruits de ce qu’il enregistre. L’image s’attarde longuement sur les paysages, les habitants qu’il croise et qu’il écoute. Quelques entretiens viennent parfois s’intercaler : une femme à la prison de Kigali, en attente de jugement, les habitants de Chirfa, au Niger, avec qui et chez qui il avait tourné, six ans auparavant, La Captive du désert. Il faut avouer que ce dispositif supporte assez mal de sortir des salles obscures et des grands écrans : il perd en magie ce qu’il gagne en lenteur.

Le propos général du documentaire est d’offrir des instants d’une Afrique digne dans sa souffrance. Il montre et dénonce les effets de l’Apartheid en Afrique du Sud et la violence quotidienne de ses villes ; les douleurs des guerres qu’il se refuse d’appeler «ethniques» car elles sont surtout politiques, en Angola, en Somalie, au Rwanda ; il traque la misère, la faim, la détresse des isolés de l’aide humanitaire ; il montre la maladie, la mort, le sida, les corps souffrants de femmes réfugiées au Burundi, l’infirmerie de fortune où meurent de dysenterie les prisonniers de Kigali, l’horreur de l’hôpital de Nimule au Soudan où l’on abandonne les vieillards, les fous, les faibles. Il montre également la beauté des paysages éthiopiens, des églises troglodytes de Lalibela (Ethiopie), du trou au Natron dans le Tibesti tchadien, de la corniche d’Alexandrie. Il offre des portraits, paysans blancs du Karoo (Afrique du Sud), nomades du sud de d’Angola, éleveurs du Soudan, autant de scènes d’une vie quotidienne de labeur et de culture.

Le texte en voix off, très écrit, offre souvent un propos général, dénonciateur des souffrances africaines. Plus intéressant, il traduit aussi parfois les doutes du cinéaste face à ce qu’il filme, la pertinence de son regard, la difficulté à faire des images de la souffrance, mais aussi la nécessité de les faire. Alors qu’il retrouve à Chirfa, au Niger, les personnes qui l’avaient aidé lors du tournage de La Captive du désert, il filme au plus près une jeune fille qui avait joué aux côté de Sandrine Bonnaire : alors qu’il la presse de questions, la jeune fille répond à mi-mot, manifestement mal à l’aise, le visage mangé de mouches qu’elle n’ose chasser. Sur l’interview, la voix off vient se poser et Depardon y rend compte du malaise, du décalage entre son propre plaisir de retourner sur ces lieux et de revoir ces gens, et leur propre indifférence à le retrouver ; il prend conscience de l’agressivité de son enthousiasme. Dans l’hôpital de Nimule, où il filme dans un long plan séquence les images insoutenables des malades, il explique son choix de continuer à tourner, son refus du montage, sa volonté de témoigner. Ce sont ces moments-là, et d’autres encore, qui font la force du documentaire.

Mathilde Larrère
( Mis en ligne le 21/02/2006 )
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