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Izoard, le proche quotidien | | | Jacques Izoard Poésies 2000-2008 - Oeuvres complètes - Tome 3 La Différence 2012 / 40,15 € - 262.98 ffr. / 544 pages ISBN : 978-2-7291-1959-1 FORMAT : 17,2cm x 23cm
L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Il a animé avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile. Imprimer
Au moment de son décès en juillet 2008, à lâge de 72 ans, Jacques Izoard avait enfin acquis la reconnaissance pleine et entière de sa création poétique dans le champ littéraire francophone. Distingué par divers prix, présent dans dinnombrables anthologies, Izoard avait mené discrètement mais obstinément, depuis son Liège natal, une expérience décriture marquée du sceau de la densité et dune musique intime à nulle autre pareille. En outre, lhomme fut un infatigable passeur : animateur de revues et de lectures publiques, dénicheur de talents, il sut cristalliser une émulation bouillonnante autour de sa personne, dont la brutale disparition créa un vide qui est encore actuellement loin dêtre comblé.
En 2006 paraissaient deux forts volumes de ses uvres complètes à La Différence. Une consécration qui aurait pu apparaître comme laccomplissement dun homme ayant tout livré de son amour du verbe. Ainsi que le montre Gérald Purnelle, le maître duvre de cette édition, dans sa préface, cet événement marqua un indéniable tarissement de la production dIzoard, ou plutôt un cap dans la réflexion sur son écriture. Mais même si, ici ou là, le poète osait savouer tenté par labandon, laphasie, le silence pur et simple, il sut maintenir son cap entre recherche quotidienne du mot juste et publication de plaquettes confidentielles. Cest cette part jusquà présent manquante, enrichie de maints inédits, quil nous est donné de découvrir dans un troisième tome. Vin rouge au poing, Tout mot tu tout est dit, Thorax, les écrits à quatre mains avec Selçuk Mutlu ou encore lultime recueil de 2007 À fleur deau y côtoient les retranscriptions de carnets de notes instantanées ainsi que support plus incongru mais indissociable du personnage aux yeux de ceux qui le connaissaient de cartons de bière semés au hasard des nuits et où éclatent les fulgurances saisies au vol dune inspiration.
La voix unique dIzoard simpose dès les premières pages. Ses strophes louvoient entre virtuosité et simplicité nue, évanescence et sensualité directe. Frottés aux écorces, aux étoffes, aux peaux et à un bleu absolu (sa couleur préférée), les vocables acquièrent une parfaite patine ; agencés en strophes isolées, ils se répondent en jeux déchos, dallitérations et de vertiges minuscules. Izoard a injecté de la lumière dans le moindre balbutiement ; de la sève et du sang là où, sans lui, il ny a aurait eu queau lustrale. Ses images, il les débusquait, ancrées et pourtant universelles, sous chaque pavé de cette ville «accablée de scories, dinfamies» quil arpenta comme personne, à toute heure que la vie lui allouait. Et que ne puisait-il également dans ses souvenirs, dans len-deçà des paupières et dans limmense grenier des rêves, là où lenfant se tient, poings fermés, paumes brûlantes, dans léternité de lattente ?
Entrez dans sa chambre aux échos, goûtez à ses écumes, abreuvez-vous à ses odes, posez sans hésiter le pied sur les pièges qui y sont tendus. Lémotion vous guette, depuis quelque recoin, et vous fond sur le râble, le temps dune ellipse. Par la lucarne, linjonction, comme un soleil, éclaire autant quelle éberlue : «Suis pas à pas tes propres pas. / Ne mords pas tes lèvres invisibles. / Mais la langue se noie / dans les mots murmurés. Tu peux regarder ta propre peau ; / le sang sy cache et sy perd. Bouge et feins dêtre en vie !». Izoard, vieux maître ès pures pertes et retrouvailles de buée, quil fait bon de te flanquer à nouveau le pas
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 16/04/2012 ) Imprimer | | |