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| Collectif Monographie prématurée Editions de l'An 2 - Étoiles de l'image 2006 / 19.50 € - 127.73 ffr. / 136 pages ISBN : 2-84856-065-7 FORMAT : 16,5x23,5 cm
Alexis Laballery collabore à Parutions.com Imprimer
Emmanuel Guibert est un dessinateur discret, mais dont le sillage est de plus en plus suivi et apprécié : La Guerre dAlan, Le Photographe, Le Capitaine écarlate, La Fille du professeur, ou, dans un autre genre, Sardine de lEspace et Ariol sont autant duvres désormais incontournables, au charme un peu rétro, ou indéfinissable. Prenant acte dune uvre désormais reconnue, à la fois sobre deffets et riche, ambitieuse, mûre, les éditions de lAn 2 ont demandé à lauteur dintroduire un recueil fait dextraits, dinédits, de carnets, croquis, et ébauches de ses albums. Entouré dune fine équipe de critiques « en sympathie », Emmanuel Guibert se livre donc dans une Monographie prématurée qui est autant une invite à la lecture quà lintrospection dessinée. Lobjet est original, tant les auteurs de bandes dessinées ont du mal à dire « Je » : après Nicolas de Crécy ou encore Jean-Christophe Menu, Emmanuel Guibert fait donc face à ses lecteurs.
Le texte introductif, signé Guibert (et agrémenté de dessins de Cécilia Guibert, certainement la plus belle production de son papa) est une réflexion sur un thème simple : lenvie de dessiner, lorigine du don, dun talent manifeste qui ne demande quà sépanouir. Guibert expose simplement sexpose son destin de dessinateur, son besoin de crayonner, comme une seconde nature. Cest sobre et efficace, comme du Guibert, qui décrit ses sensations de dessin, les images qui lhabitent, les souvenirs qui le motivent. On en ressort pas forcément plus informé sur les albums (du reste, cest plutôt le travail des critiques), mais on a quasiment partagé ce moment très intime de la création, comme assis à côté du dessinateur en pleine action. Jouissif.
Lécrin est à la mesure du texte de Guibert. Si le texte de Christian Rosset, « Les réserves dEmmanuel Guibert », semble un peu hors sujet (cest un journal qui croise, presque par incidence, les travaux de Guibert : lidée est originale, la sympathie manifeste, mais le traitement, genre chronique dans Les Inrocks, laisse parfois un peu perplexe), on appréciera par contre les variations plutôt énigmatiques de Gilles Ciment sur « Guibert humoriste »
Certes, la démonstration, qui passe luvre de Guibert au crible de celle de Bergson, Le Rire, nest pas systématiquement convaincante (Sardine de lespace, La Fille du professeur, oui, mais pour La Guerre dAlan
on peut avoir des doutes sur la qualité humoristique du détachement, même en comparant Alan et Maus) mais stimulante (la distanciation prônée par Brecht, et son comique sombre, sapplique-t-elle à luvre de Guibert ?). Gilles Ciment applique à son propre texte la recette bergsonienne du rire et pratique cette lecture détachée qui est en soi une manière de rire. Marie Lallouet, rédactrice en chef de Jaime lire, éclaire un aspect peut-être moins connu par les lecteurs de cette monographie : le dessinateur pour enfant, qui laisse libre cours à sa fantaisie. Alexis Laballery enfin sattaque avec subtilité au morceau de roi : La Guerre dAlan, Le Photographe sont sans doute, et avec raison, les uvres les plus appréciées du « rapporteur » quest Emmanuel Guibert. Lexercice seffacer derrière un récit, « dessiner la mémoire dun homme » - est pourtant difficile pour un créateur, aussi Laballery éclaire, décrypte même, les images, les textes avec un regard de dessinateur, de plasticien autant que de lecteur. La démonstration est convaincante, et cest le but de louvrage - rapproche davantage lauteur et ses lecteurs, effaçant presque le texte de Cope ou celui de Lefèvre pour nous replacer face à ce qui est finalement lessentiel, limage de Guibert. Sobrement.
À qui sadresse cet ouvrage ? Aux fans dEmmanuel Guibert tout dabord, qui trouveront dans cette monographie une manière de relire des albums, et qui découvriront, au hasard des pages, dautres facettes dune uvre changeante. Les amateurs de carnets dessinés, de coup de crayon seront intéressés par les variations de style, le mélange des genres, la capacité qua Guibert de varier les publics et les goûts, de passer de lintimisme du Photographe au délire de Sardine, via les illustrations pour Okapi, ou les croquis de vacances. Enfin, tout lecteur de BD sera sensible à une relecture littéraire du neuvième art, loin des a priori
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 19/06/2006 ) Imprimer
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