|
Documentaires -> Historique |
Hitler, une carrière avec Christian Herrendoerfer Opening 2005 / 16.99 € - 111.28 ffr. Durée film 149 mn. Classification : Tous publics | Sortie cinéma, Pays : 1977, Allemagne
Version : DVD 9/Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.33 (noir et blanc)
Format audio : Anglais, Français (Mono)
Sous-titre : Français
Bonus :
Chronologies de la Seconde Guerre mondiale, dAdolf Hitler et de la Shoah
Imprimer
Basé sur les travaux de lhistorien allemand Joachim C. Fest une monumentale biographie dHitler en deux tomes : Jeunesse et conquête du pouvoir (1889-1933) puis Le führer (1933-1945), parue en 1973 , ce documentaire exceptionnel dresse un portrait « clinique » de lhomme qui fut à lorigine du nazisme. Centré sur lénoncé des faits et cherchant l« authenticité historique », le film est ainsi uniquement composé dimages darchives et servi par un commentaire fidèle à luvre de Fest. Celui-ci nous présente un Hitler quasi schizophrène, à la fois le petit caporal timide humilié par la Grande Guerre et lhomme dÉtat froid et calculateur, grisé par le climat dadulation qui lentourait et par ses premiers succès politiques. Nous est ainsi dépeint, dune part, un homme volontiers associable, neurasthénique, apathique et parfois inactif, fasciné par la mort, ce qui renvoie à son passé dartiste raté et au traumatisme de la Première Guerre mondiale. Il sort de celle-ci avec un grade de caporal, et est jugé par ses supérieurs comme « manquant des qualités dun chef ». De lautre, un démagogue empli de confiance en lui, un meneur cultivant lidée lobsession même du « sauveur » cherchant à redonner à son peuple orgueil et amour de la nation, et de créer l« espace vital » : « Il faut au peuple perdu et désorienté un chef. » La théorie est séduisante.
« Si je ne métais pas occupé de politique, je serais devenu le plus grand architecte dAllemagne », avait-il dit. Hitler avait tout à fait conscience de ses talents dorateur Fest mentionne l« art du discours » et de la manière dont il pouvait manipuler et captiver les foules. « Jouant » de son charisme, Hitler était une idole et se voulait comme tel. A ce sujet, son discours dinvestiture dans le stade de Berlin en 1933, lorsquil accède au poste de chancelier, est tout à fait saisissant. Fest décrypte parfaitement le phénomène didentification et le culte de la personnalité que cherchait à générer le Führer. Ainsi, les cérémonies organisées de nuit, avec processions de torches « pour le côté démoniaque » référence au culte fasciste du feu. Hitler, une carrière insiste tout particulièrement sur litinéraire politique du « fou criminel », et sur la mise en place de la tactique du « tout pour le tout » et de la propagande savamment élaborée qui allait, en moins de dix ans, le conduire au pouvoir. Mais aussi sur les conditions qui ont rendu possible cette accession. Hitler avait su profiter du contexte de crise économique et de chômage endémique des années 1930 : « Celui qui na pas de chemise sur le dos peut toujours endosser une chemise brune. » Certes. De même que si son antisémitisme tout comme sa haine fervente des « minorités » était bien réel, il était également prétexte à « mobiliser » le peuple allemand contre un ennemi commun.
Plus quétroitement liée à Hitler, lhistoire de lAllemagne nazie et du Troisième Reich serait avant tout la sienne. Dès fin juillet 1940, la guerre contre lUnion soviétique de Staline est décidée parce que celui-ci désirait une confrontation militaire avec son « ennemi juré », le communisme. Tout comme il souhaite que larmistice avec la France soit signé, le 21 juin 1940, dans le même wagon-salon de Rethondes qui avait servi à celui de 1918, et « quil a fait sortir du musée où il était entreposé », afin de se venger de laffront de novembre 1918 et du traité de Versailles. La période est perçue à travers le prisme dun seul homme, seul responsable de la Seconde Guerre mondiale et des crimes du nazisme : « Maintenant, cest le réveil après le cauchemar. Face à tant dhorreurs, il était difficile de comprendre ce qui les avait provoquées. Les Allemands donnaient limpression davoir été victimes dun envoûtement[la version anglaise parle dune maladie (disease)]. Ceux qui avaient été compromis confirmaient cette impression. » La théorie de lhistorien, discutée depuis, tendrait en effet à déculpabiliser les Allemands (1). Ainsi, ce documentaire trouve place à la fin des années 1970, une période où lAllemagne sinterrogeait sur son histoire et sur limpossibilité dun « patriotisme » ou dune « identité » nationale. Le président de la République fédérale dalors, Gustav Heinemann, auquel on demandait sil aimait lAllemagne, répondait : « Jaime ma femme. » (2)
Pour Peter Zimmermann, de la Maison du documentaire de Stuttgart, il y aurait deux grandes tendances, tant dans le documentaire que dans la fiction, pour parler dHitler : « Tout dabord, la vague Hitler, la focalisation sur le Führer et son entourage de grands criminels, qui mise sur la fascination et sur le potentiel médiatique de ces personnages. » Cest à celle-ci quappartient le film de Fest, auquel il faut cependant reconnaître le mérite de se baser uniquement sur les faits, même si bien sûr cette « focalisation » est à lorigine de ses propres limites, à savoir que les Allemands sont ici exclus du nazisme. « Lautre groupe de films mise davantage sur la famille, les destinées et les observations individuelles, la vision den bas. Hans Dieter Grabe, Ebbo Demant, Erika Runge sont des documentaristes qui posent la question : Comment chaque individu sest-il comporté dans le Troisième Reich, comment sest-il fourvoyé, comment a-t-il tenté de ne pas se laisser embrigader ?. »
« Et il faut sattendre, avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre, que cet effet Hitler soit encore accentué », souligne Zimmermann. Car cette ressortie en DVD fait bien sûr écho au film dOlivier Hirschbiegel, Der Untergang (La chute), sorti au début de lannée 2005 en France et lui-même inspiré dun ouvrage de Fest, Les derniers jours dHitler. Cette évocation ambiguë suscita la polémique. Tout comme dans le documentaire de Fest, les Allemands sont présentés comme victimes dun seul homme, Hitler, occultant leur responsabilité (voire leur culpabilité) dans la Seconde Guerre mondiale et dans la logique danéantissement du nazisme. Dans un entretien accordé à Télérama du 8 janvier 2005, lhistorien Marc Ferro sen était offusqué : « Il y a vingt-cinq ans déjà, quand on m'a demandé mon avis sur la biographie de Hitler en deux volumes de Joachim Fest, j'ai dit qu'elle était plus complète que les ouvrages qui faisaient référence jusque-là, comme celui d'Allan Bullock et aujourdhui celui de Ian Kershaw, mais que je restais circonspect. Car ce livre fausse en partie la réalité historique, et innocente les Allemands pas Hitler, mais le peuple allemand. » Dès lors, il faut sans doute prendre cette édifiante plongée dans la personnalité du Führer pour ce quelle est. Une remarquable analyse de la manière dont Adolf Hitler a conquis le pouvoir et a conduit le monde à la guerre mais aussi, en quelque sorte, un témoignage sur les questionnements de lAllemagne vis-à-vis de son histoire tumultueuse et du poids dun passé douloureux.
(1) Au générique de fin, figure la mention : « Le fléau hitlérien est un phénomène allemand, qui a fait des millions de victimes innocentes. Hitler naurait pas eu cette carrière sans le soutien du peuple allemand qui ne sest pas méfié de cet homme dÉtat puissant. Quand ses excès ont été abhorrés, il était déjà trop tard pour lEurope et pour le monde. »
(2) Daniel Vernet, « Lévocation ambiguë dun démon allemand », Le Monde, 4 janvier 2005.
Nicolas Onno ( Mis en ligne le 26/09/2005 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Assassinez Hitler de Jeremy Lovering Hitler. 1889-1936 : Hubris de Ian Kershaw Hitler. 1936-1945 : Némésis de Ian Kershaw | |
|
|
|
|