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L'Italie de Huillet et Straub
avec Danièle Huillet et Jean-Marie Straub
Editions Montparnasse 2008 /  55  € - 360.25 ffr.
Durée DVD 380 mn.
Classification : Tous publics

Sortie Cinéma, Pays : Italie, 1976 à 2001
Sortie DVD : Mars 2008

Version : 4 DVD 9, Zone 2
Format vidéo : PAL, format 1/1,37
Format image : Couleur, N&B, 4/3
Format audio : V.O. italienne, son mono PCM
Sous-titres : Français


Films :

- De la nuée à la résistance (Dalla nube alla resistenza)
(1978 - 100 minutes 56 secondes – couleurs)
D'après Dialogues avec Leucò (1947) et La Lune et les Feux (1950) de Cesare Pavese (1908-1950).

- Ces rencontres avec eux (Quei loro incontri)
(2005 - 65 minutes 31 secondes – couleurs)
D'après les cinq derniers Dialogues avec Leucò (1947) de Cesare Pavese.

- Sicilia !
(1998 - 63 minutes 53 secondes - noir et blanc)
Constellations et dialogues du roman Conversation en Sicile (1938-1939) d'Elio Vittorini (1908-1966).

- Sicilia ! (Version théâtrale inédit)
(1998 - 70 minutes 23 secondes – couleurs)
Tourné au Théâtre Francesco di Bartolo de Buti le 6 avril 1998.

- Fortini / Cani
(1976 - 82 minutes 46 secondes – couleurs)
D'après Les Chiens du Sinaï (1967) de Franco Fortini (1917-1994).

- Le Chemineau (Il viandante), inédit
(2001 - 4 minutes 36 secondes - noir et blanc)
Nouveau montage d'un passage de Sicilia !

- Le Rémouleur (L'arrotino), inédit
'2001 - 6 minutes 58 secondes - noir et blanc)
Nouveau montage d'un passage de Sicilia !

L’auteur du compte rendu : Benoît Pupier est membre du collectif
Cineades. Il travaille actuellement sur un documentaire de création, Marcel Poulet, un peintre d’ocre en son pays.

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De la nuée à la résistance (Dalla nube alla resistenza)

Il n’y a pas de décors mais des lieux. Il n’y a pas de tension dramatique mais une épopée immobile de la langue. Les plans offrent leurs durées aux déploiements des phrases et des mots. Le geste cinématographique dialogue avec une langue, l’Italien et le travail littéraire de Pavese. C’est une succession de duos dans un coin de nature : La Nuée – Ixion ; Hippolocos - Sarpedon ; Œdipe – Tirésias ; Premier chasseur – Second chasseur ; Lityerse – Herakles ; Père - Fils. On y parle des Dieux antiques. On y parle du refus des lois divines et de remords, de forces et de sacrifices, de meurtres, de l’inquiétude des Dieux. Le vent souffle dans les branches et la lumière effleure les corps hiératiques. Ils sont immobiles, les personnages. Œdipe et Tirésias voyagent lentement sur les chemins, dans une charrette tirée par des boeufs. Les habits sont d’une autre époque. Mythique, réelle ? Le tournage a lieu à Maremme, Monte Pisano, à Tripalle près de Pise, dans les Langhe (Piémont), en juin-juillet 1978. La musique : Andante de la «Sonata sopr’il soggetto reale, trio» de l’Offrande Musicale, BWV 1079, de J.-S. Bach.

Il y a deux parties dans le film : l’Italie antique ; l’époque contemporaine. Dans la seconde, un homme entreprend un récit. Il a grandit au pays, il revient, il raconte. Plans fixes, accompagnement d’une marche, découpage sobre, décentrement des sujets dans l’espace du cadre. On parle d’identité, de réussite, de la mort des pères, des damnés qui rompent l’échine, du communisme, de la force d’une révolte, de la vigne que l’on ne peut pas vendre, des croyances en la Lune, de la mort d’Angiolina, du curé et des partisans pendus, d’une vipère trouvée par un gamin, du départ en Amérique…

Ces rencontres avec eux (Quei loro incontri)

Écrivain italien, Cesare Pavese, né le 9 septembre 1908 à Santo Stefano Belbo, adhère au parti communiste italien après la Seconde Guerre mondiale. Il traduit Melville, Faulkner, Dickens, Dos Passos... Il se suicide le 26 août 1950 dans une chambre d'hôtel de Turin.

Un homme, une femme, dans un coin de nature, de dos. Même mise en scène du texte littéraire que De la nuée à la résistance. Mais les costumes antiques ont disparu. Ils sont seuls et deux, mais déclament pour un destinataire inconnu, spectateur des Straub-Huillet, écoutant les mots de Pavese. Ce sont des dialogues mythologiques qui évoquent les rapports entre les hommes et les Dieux. C’est un lieu de nature, hors de la ville, hors de la civilisation. Bruits d’eau, de brise dans les arbres, d’oiseaux, de silences et de mots, d’ombres et de lumières. C’est une immobilité mélancolique. Les humains sont inertes. Seule la prose poétique de Pavese porte l’utopie d’un monde à saisir. Dernier plan, l’eau d’une mare, une route, un village, une montagne, c’est un mouvement ascendant vers le ciel. C’est un échec, une ligne électrique traverse le plan, c’est la fin du mouvement.

Sicilia !

Fils de cheminot, Elio Vittorini, né le 23 juillet 1908 à Syracuse (Sicile), fut romancier, traducteur, essayiste, membre du parti communiste, résistant anti-fasciste, directeur de collection, rédacteur en chef de l’Unita. Après une publication fragmentaire dans une revue, Conversation en Sicile parait en 1941.

Il est de dos. Assis sur le quai, immobile, masse noire, Silvestro observe la mer. Il est américain depuis quinze ans. Tous les Américains mangent le matin, dit un marchand d’oranges. Ils parlent de New-York et du travail, de la Sicile. Silvestro entreprend un voyage en train. C’est un retour vers Syracuse et la Sicile de son enfance. Son père a quitté sa mère pour une autre femme.

On parle dans le train, à la fenêtre du couloir, dans le compartiment. Il y a de la puanteur, dit un homme en désignant les hommes du couloir. Le peuple est triste dit-il encore. L’homme se tait, le roulis du train occupe le plan. Un autre train, un autre homme, employé au cadastre, à l’élocution ridicule. Les deux énoncent des noms de villes. On glisse en bord de mer et le son disparaît. Puis c’est la découverte du pays, en plans fixes, en panoramiques. Les Straub – Huillet aiment ces lents panoramiques, saisies existentialistes d’un paysage dans son entier. Cette figure stylistique est permanente dans leur cinéma.

Silvestro frappe à la porte, embrasse sa mère, surprise. Blancheur du mur, trouée noire de l’embrasure de la porte. Belle photographie contrastée de William Lubtchansky (chef opérateur entre autres de Rivette, Iosseliani…). Ils se souviennent du passé, des repas, des habitudes. Les harengs grillés, les fèves aux cardons, les lentilles à l'oignon, les escargots bouillis… Sur le feu, un poisson grille. Durant l’enfance, après les dix premiers jours du mois, il était difficile de se nourrir quand le salaire du père était épuisé. "Mais pourquoi me regardes-tu ?", dit la mère. Silvestro évoque son père. Il interroge sa mère sur sa vie extraconjugale. La conversation s’anime. Des trouées de silence interrompent le flot des mots. L’échange reprend. La parole est un rythme, une musique, un affrontement, une tension. La parole s’empare de l’existence. La mère parle d’un amant, d’un cheminot.

Sur la place du village, Silvestro rencontre un rémouleur tragi-comique. Couteaux, ciseaux, épées, canons… Existe-t-il encore des objets à aiguiser ? L’homme pédale sur place pour aiguiser le couteau de Silvestro. Puis c’est un monde que les deux hommes inventent à coup de mots, comme une farce philosophique. Comme deux pantins, ils s’immobilisent. Musique : Ludwig von Beethoven, extraits du Quatuor op. 132.

Sicilia ! (Version théâtrale inédite)

Le texte fut joué par les acteurs. C’est une captation sans découpage, juste un plan d’ensemble de la scène, où se succèdent les différents tableaux et conversations séparés par un noir permettant le déplacement des décors. Un mur à la surface claire resserre l’espace et suggère un coin de rue, un compartiment de wagon, une cuisine, une place de village… Le DVD ne propose pas de sous-titres. Reste le souvenir du film et de certains gestes des personnages. Reste la seule musique de l’Italien.

Fortini / Cani

Franco Fortini, écrivain italien juif, pseudonyme de Franco Lattes, est né le 10 septembre 1917 à Florence. Il traduit Proust, Eluard, Brecht... Il participe à la Résistance. Il collabore à des revues où écrit Pasolini.

Le film s’ouvre sur un extrait de journal télévisé évoquant des combats dans le Sinaï entre l’Egypte et Israël. C’est la voix officielle. Ce n’est pas celle du poète. Les Chiens du Sinaï est écrit en 1967 après cette guerre. L’auteur en lit des extraits, la caméra glisse le long de paysages en de lents panoramiques. Il est question du rapport de l’Italie à Israël en lien avec son passé fasciste, de M., Israélien grandi dans un kibboutz, qui travaille à Milan. Il y a le silence et le chant discret des oiseaux. Il y a un long plan séquence dans une synagogue, une vue en plongée sur une cérémonie, un chant religieux. Le narrateur parle du Catholicisme se confondant avec l’Etat, revient sur le fascisme. Il se souvient. Il parle de la culpabilité, du racisme, du nazisme, de l’histoire de la petite bourgeoisie italienne et européenne, de la lutte de classes, du père parti volontaire lors de la Première Guerre mondiale, ce père fiché comme «juif dangereux»... Il parle de la différence des hommes par leur passé, de la négation des peuples.

Âpreté, rigueur, tension dialectique, décentrement des personnages à l’intérieur des plans, lents mouvements de têtes des acteurs pour diriger des regards, aperçues du monde en longs panoramiques, verticalité du format 4/3… C’est un cinéma sans concession, comme un combat, rude parfois pour le spectateur. C’est un cinéma de la distanciation, au présent d’une pensée.


Benoît Pupier
( Mis en ligne le 11/04/2008 )
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