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La Chine, naïvement ?…
avec Michelangelo Antonioni
Carlotta Films 2009 /  20  € - 131 ffr.
Durée film 208 mn.
Classification : Tous publics

Sortie cinéma, Pays : 1972, Italie
Titre original : Chung Kuo - Cina

Version : 1 DVD 9 / Zone 2
Format vidéo : 4/3
Format image : 1.66 (couleurs)
Format audio : Italien (Dolby Digital 2.0 mono)
Sous-titres : Français

Bonus :
- Le regard imposé (24 mn) : Carlo di Carlo, cinéaste et ami intime d'Antonioni revient sur les péripéties d'Antonioni face à l'administration chinoise, du tournage à la sortie du film.
- Chine de Mao (26 mn) : Pierre Haski, ancien correspondant de Libération à Pékin et co-fondateur de rue89.com fait le lien politique, économique et social entre la Chine contemporaine à Antonioni et celle d’aujourd’hui.

Un livret de 36 pages, Retours sur Antonioni, Mao et l’influence des images

L’auteur du compte rendu : Benoît Pupier, est membre du collectif
Cineades. Il travaille actuellement sur un documentaire de création, Marcel Poulet, un peintre d’ocre en son pays.

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En 1972, en pleine Révolution culturelle maoïste, Michelangelo Antonioni, est invité à réaliser un documentaire sur la Chine, produit par la Rai. Il imagine un itinéraire idéal. Sur place, il doit faire avec l’encadrement des autorités et les contraintes de temps. Il tourne ce film fleuve (208 minutes, en trois parties sur le DVD) en 22 jours. Il tourne en équipe réduite, caméra à la main ou à l’épaule.

Place Tienanmen, Pékin, un jour ordinaire. Une chanson à la gloire de Mao ouvre le film. Des gens vont et viennent. Une voix off accompagne le film, Antonioni raconte son voyage, la vie du tournage, la présence permanente des «accompagnateurs». Il filme des gestes et des visages. Les Chinois sont sans hâte, ni stress. C’est la vision d’Antonioni. À l’hôpital, il filme avec longueur une anesthésie pratiquée par acupuncture, puis une césarienne. Il montre l’organisation collective, les maisons dans l’usine, parle de la loi qui modère le loyer, du collectif ouvrier qui dirige la vie commune. Une exposition est proposée aux ouvriers : la culture pour Mao est au service de la masse. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Grande muraille construite pour lutter contre les Mongols, mausolées de l’empereur Ming, cité interdite, temples et pagodes, le film observe la présence d’une civilisation ancienne. À l’école, les enfants marchent au pas et chantent. Il y a des marchés et les prix bas pour tous, la gentillesse, la finesse, la gourmandise des Chinois. Le film montre les vêtements réduits à l’essentiel, les milliers de bicyclettes. Antonioni explique la petitesse des pieds des femmes. Un théâtre de marionnettes est un divertissement culturel tranquille.

Campagnes, province du Henan, district du Linxian. C’est le grenier de la Chine. L’équipe a quitté Pékin en train. Les paysans sont pauvres. La Chine ne les cache pas, commente Michelangelo Antonioni. Le film visite une coopérative, commune populaire qui apporte à tous un minimum de garanties sociales. Il observe les divisions entre équipes et brigades. On visite un village. Il y a des réunions collectives où les Chinois parlent idéologie et labourage des terres. Le cinéaste s’attarde sur les visages. Par le choix de gros plans, il sépare le groupe en individus. Les «guides» d’Antonioni sont toujours là et trouvent curieux l’idée de filmer un marché libre où les villageois pratiquent le troc. Il y a un canal creusé dans la roche, pour faire passer l’eau, un bien précieux. Il a fallu de longs travaux par d’héroïques ouvriers. Dans ces lieux reculés, la présence d’une équipe de tournage européenne effraie. Des femmes et des vieillards sont mal vêtus ? Les «guides» leur font signe de se cacher ! Observateur, anthropologue, Antonioni commente les détails de la vie quotidienne. Suzhou, ville de canaux, de commerces et d’industries, célèbre pour sa soie, fut visitée par Marco Polo. Pas facile d’accepter que les Chinois aient tout inventé et même les fettucines (pâtes), commente Antonioni au détour d’une anecdote. Il est difficile d’entrer dans les temples bouddhistes : c’est un vestige du passé. Le voyage se poursuit à Nankin, ville en première ligne de la guerre civile et de la révolution. Il y a la marche militaire des enfants des écoles comme ailleurs en Chine, le labeur quotidien peu mécanisé, il faut tirer les charrettes, porter les paniers. Le Yang-Tsé-Kiang coule à Nankin. Antonioni montre le pont de six kilomètres, les peintures sur les murs hommages aux héros révolutionnaires. Les enfants de l’école sont calmes, peu capricieux, obéissants. Dès le plus jeune âge, leur éducation se base sur la pensée de Mao. Le comité révolutionnaire veille au bon fonctionnement. Le sport pour les plus grands est un exercice collectif, avec courses de relais et applaudissements, sous l’œil d’un portrait de Mao.

Shanghai. Antonioni filme la foule et les vélos, la marche militaire des enfants des écoles. C’est dans la concession française de Shanghaï qu’a eu lieu, en juillet 1921, le premier congrès du Parti communiste chinois. Seul Mao a résisté aux bourrasques de l’Histoire. Le cinéaste italien filme une partie de ping-pong dans la rue, un jardin d’un ancien mandarin, un restaurant de thé où le temps s’écoule avec lenteur, une statue hommage aux héros révolutionnaires. Il traverse les banlieues industrielles de Shanghai. Le Hangpu, rivière de la rive jaune, sépare la ville en deux. Antonioni filme des jonques et des navires du monde entier, et en cachette des navires de guerre. Shanghai produit et travaille pour la Chine. Le film voyage sur les rives du Yang-Tsé-Kiang, observe les usines nombreuses, et les foules d’ouvriers. La Chine ouvre ses portes mais reste inaccessible, commente le cinéaste européen. Antonioni s’éternise enfin dans la captation bienveillante d’un spectacle traditionnel avec acrobates, jonglages avec assiettes ou vase.

Michelangelo Antonioni n’a pas filmé en idéologue, mais a placé l’homme au centre, commente Carlo di Carlo, ami et collaborateur, dans un entretien en complément. Cette parole amicale et bienveillante, manquant de distance critique, revient sur la sortie du film, sa réception en Chine, son interdiction de diffusion pendant trente ans, pour cause de batailles idéologiques entre les trois clans qui s’affrontent alors pour le pouvoir en Chine (Lin Biao ; Zhou Enlai, partisan de l’ouverture ; Jiang Qing, femme de Mao, ex actrice, influente dans le domaine de l’art, partisane d’une ligne dure). Antonioni filme des femmes, des hommes, des enfants, des visages, des gestes quotidiens, une organisation collective. Il filme des villes, des paysages, des fleuves. Il observe, décrit, se perd, commente. Pourtant, Antonioni, «ce grand naïf», est critiqué par Simon Leys, écrivain, essayiste, l’un des premiers critiques de la Révolution culturelle en Chine populaire, à la sortie du film. S’il a montré l’omniprésence de Mao, l’école comme lieu d’embrigadement, le film ne se confronte pas à la réalité des violences politiques, des purges, de la dictature, du souvenir de la collectivisation forcée des terres, de la famine de 1950, des milliers de victimes du régime.

Pierre Haski, ancien correspondant de Libération en Chine, co-fondateur du site Rue89, revient sur tout cela dans une belle analyse, en complément. Il explique comment la mise en scène d’Antonioni casse le code de l’image officielle, de la théâtralisation des luttes politiques. Ce film montre aux jeunes Chinois d’aujourd’hui une Chine qu’ils ne peuvent voir autrement, car les images d’archives sont celles des images de la propagande. Haski fait le lien entre la Chine contemporaine et la Chine contemporaine à Antonioni.


Benoît Pupier
( Mis en ligne le 17/04/2009 )
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